pretre, de ce juge incorruptible est reste
vivant dans le coeur des Bretons. Partout vous le voyez en robe de juge, la
toque sur la tete, entre deux plaideurs, le seigneur richement vetu, en
habit de velours rouge, tout dore, avec la grande perruque, les bas de soie
et l'epee, et le pauvre paysan, tout deguenille, des trous aux coudes et
aux genoux, et pieds nus dans ses sabots. Le grand seigneur, l'air fier,
suffisant, le chapeau sur la tete, presente au saint une bourse d'or; le
paysan, le regard et l'attitude timides, la tete basse, le bonnet a la
main, attend humblement la sentence. Il n'a rien a donner, mais la justice
ne lui fera pas defaut. Saint Yves se tourne vers lui avec un bon sourire,
et lui tendant l'arret ecrit sur un parchemin, lui donne gain de cause.
C'est toute l'histoire du moyen age, les trois ordres vis-a-vis l'un de
l'autre: l'Eglise protegeant le paysan, le faible, contre le noble et le
puissant.
Quant aux monuments proprement dits, nulle part on ne rencontre davantage
de ces belles eglises du moyen age, temoignage de la piete, de la science
et du gout de cette forte epoque. Ici la cathedrale de Dol, du meilleur
temps de l'art gothique, du XIIIe siecle, imposante par sa masse, sa
grandeur, la noble simplicite de ses ornements, l'harmonie de ses
proportions; le granit de ses tours a pris, par la suite des siecles, a
l'air de la mer, une couleur de rouille, on les dirait baties de fer; la,
Treguier et ses boiseries exquises, bancs, autels, stalles, lutrin en chene
noir et brillant, decoupes d'un dessin net et fin, avec une inepuisable
variete; pas un balustre qui se ressemble; il y a de quoi fournir des
modeles a tous les sculpteurs de notre temps; plus loin, Saint-Pol de Leon
et sa fleche de granit, audacieuse et svelte, prodige d'equilibre,
inebranlable, ceinte de galeries a jour comme de gracieuses couronnes,
elancant au ciel ses clochetons aux pointes aigues, toute decoupee,
aerienne, un des joyaux de la Bretagne, et que les Bretons nomment avec un
legitime orgueil; et le Folgoat, un petit village inconnu, au nord de
Brest, perdu a l'extremite de la presqu'ile, il faut se detourner de toute
route pour le trouver; mais dans ce pauvre village, deux princes bretons,
le duc Jean III et la duchesse Anne, ont construit une eglise royale, y
accumulant tout ce que l'art gothique en sa floraison la plus riche, uni
aux caprices les plus ingenieux de la Renaissance, a imagine de plus
delicat et de plus e
|