le la voir?...
Fausta demeura quelques minutes silencieuse et pensive.
--Ma Saintete! dit Fausta apres un silence... Derision!... Vingt-trois
cardinaux reunis en conclave secret, dans les catacombes de Rome,
ont resolu la guerre contre Sixte. Et, deja, devant l'execution, ils
tremblent. Ma souverainete pontificale est destinee a s'exercer dans
les tenebres, alors que mon ame aspire violemment au grand jour!... Ah!
Claudine, mon coeur deborde d'amertume. Vous m'appelez Saintete! Et,
lorsque je regarde en moi-meme, je ne vois qu'une jeune fille epouvantee
de voir que la nature s'est trompee en lui donnant le sexe qui est
le notre, plus epouvantee encore de decouvrir, sous ses aspirations
insensees, la faiblesse d'une femme.
Claudine leva vers Fausta un regard de sympathie.
--Ah! ma noble et radieuse souveraine, murmura-t-elle, vous qui inspirez
a la fois l'amour et le respect, je vois qu'une douleur inconnue
vous etreint... Que ne puis-je mourir pour vous eviter l'ombre d'une
souffrance!...
Fausta, d'un geste plein de dignite, releva l'abbesse.
--Oui, dit-elle, vous etes vraiment une apotre, Claudine. Si votre
chair est faible, votre ame est forte. Vous etes la seule qui m'ayez
comprise... Ecoutez donc...
Sur un signe de Fausta, Claudine de Beauvilliers, abbesse des
Benedictines de Montmartre, s'assit et Ecouta.
XXII
LE COEUR DE FAUSTA
--Est-ce que le regne pontifical de Jeanne est un reve? reprit Fausta,
comme si elle se fut parle a elle-meme. Quelle est la loi qui defend
a une femme d'occuper le trone de Pierre? Est-ce qu'il n'y a pas des
saintes comme il y a des saints?
Claudine ecoutait ardemment ces etranges paroles. S'adressant plus
directement a l'abbesse, Fausta continua:
--Donc, ils sont vingt-trois qui, fatigues de la tyrannie de Sixte,
ont resolu d'elever une Eglise devant son Eglise, un trone devant son
trone... Trois ans se sont ecoules depuis... J'habitais Rome alors,
le palais qu'avait habite mon aieule, Lucrece... Le sang des Borgia
bouillonnait dans mes veines. Riche, belle, adulee, seule au monde, je
voyais mon palais plein de seigneurs et de princes de l'Eglise... Mais
je n'avais de joie qu'a relire la terrible legende des Borgia, mes
ancetres. Et j'ai senti en moi l'esprit vaste d'Alexandre Borgia, la
fougue conquerante de Cesar Borgia, le coeur de Lucrece Borgia. Etre
a moi seule ce qu'ils ont ete a eux trois!... Oui, je faisais ce reve
inoui, lorsque je rencontrai Farn
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