petit
lit de camp, d'une table et de deux chaises, le tout eclaire par une
torche. Claudine tira les verrous d'une porte. Fausta prit le flambeau
et dit:
--J'entrerai seule...
A ce moment, d'une soupente qui dominait la premiere piece ou Claudine
et Belgodere attendaient, surgit une tete effaree, au profil burlesque.
Cette tete, c'etait celle de Croasse.
Croasse dormait dans la soupente, sur un tas de paille. De ce poste
eleve, il dominait la chambre, vit entrer Claudine et Fausta. Il vit
Fausta penetrer dans la piece qui servait de prison a Violetta. Lui
aussi se demanda ce que signifiait cette visite nocturne.
Fausta avait depose sur un meuble le flambeau qu'elle tenait a la main.
Un rapide coup d'oeil autour d'elle lui montra la piece miserable,
sans fenetre, plus triste vraiment qu'une prison. Sur un vieux canape.
Violetta dormait tout habillee. Fausta la contempla ardemment.
Lentement, elle detacha son masque et se laissa tomber a ses pieds.
--Belle, murmura-t-elle, certes! Une figure d'ange. Elle est digne
vraiment de ce heros de chevalerie qui s'appelle Pardaillan. Comme il
doit l'aimer!... Eh bien, qu'il souffre donc, puisqu'il s'est mis en
travers de ma route. Quoi! j'aurais jusqu'ici marche au but sublime avec
la victorieuse et sereine volonte que rien n'arrete et il se trouvera un
homme, un seul, qui aura pu me dire en face: "Tu n'iras pas plus loin."
Fausta palpitait. Et elle comprenait qu'elle se mentait a elle-meme.
Pretextes!... Elle ne haissait Pardaillan ni pour l'affaire de la place
de Greve ni pour l'affaire du moulin. Le haissait-elle seulement?...
Ah! elle ne le sentait que trop dans cette minute: ce qu'elle haissait,
c'etait Violetta qu'elle supposait aimee de Pardaillan. Elle etait
jalouse.
Fausta cacha son visage dans ses deux mains. Une douleur affreuse
l'etreignit... La pire douleur... La douleur de la honte...
A ce moment, Violetta s'eveilla. Et vit ce jeune homme--Fausta etait
vetue en cavalier--qui pantelait. le visage dans les deux mains, et
semblait lutter contre une terrible et mysterieuse souffrance. Ses
grands yeux bleus s'emplirent de pitie.
Sa main toucha le bras de Fausta. Et d'une voix de compassion charmante:
--Qui etes-vous? demanda-t-elle. Etes-vous comme moi une victime?...
Etes-vous... Ah!...
Ce dernier cri soudain s'exhala dans une angoisse d'epouvante et
d'horreur, et, d'un bond, elle fut debout. Fausta, touchee au bras,
avait violemment tressailli,
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