"Je l'aimais deja, rala-t-elle au fond d'elle-meme, Violetta morte, je
l'aimerai encore!..."
Plongee dans ses reflexions, elle cherchait une conclusion digne d'elle.
Jamais jusqu'alors, dans la vie etrange, fabuleuse, fantastique qui
etait sa vie, elle n'avait eu de longues hesitations: l'acte, chez elle,
suivait toujours immediatement la pensee. Cette conclusion qu'elle
s'imposa, nous la donnons ici comme preuve de son intrepidite d'ame.
"J'aime, dit-elle. Ceci est avere. Si affreuse que soit l'aventure, rien
ne peut faire qu'elle ne soit pas; j'aime ce Pardaillan, moi qui ai
souri de l'amour que m'offraient les plus beaux gentilshommes de Rome,
de Milan, de Florence... Et, moi qui n'ai jamais aime, je suis frappee a
mon tour... j'aime cet homme qui m'a regardee en face..."
Elle haletait, elle souffrait vraiment une torture physique devant la
decision qu'elle prenait.
"Je ne dois pas aimer!... Ceci est une epreuve que m'impose l'Esprit
supreme, et dont je dois sortir victorieuse. Une ame comme la mienne
n'est pas faite pour d'ordinaires passions: j'aimerai cet homme tant
qu'il vivra. Donc il faut qu'il meure!..."
Elle eut un tressaillement. Son oeil flamboya d'orgueil:
"Mort, je l'aimerai peut-etre encore... mais il ne sera plus en moi
que le souvenir melancolique d'un mal passe, gueri par ma volonte.
Pardaillan mourra! Et, pour que mon triomphe sur moi-meme soit veritable
et complet, c'est de ma main que mourra Pardaillan!..."
Elle se leva a ces mots et acheva:
"Que je le tienne devant mon epee, qu'il soit une fois vaincu... vaincu
par moi!... Et peut-etre le dedain de sa defaite etouffera-t-il jusqu'au
souvenir de mon amour!..."
Elle tira son epee, l'examina attentivement. Elle avait repris tout son
calme et elle souriait. Elle ploya l'acier dans ses deux mains. Alors
Fausta s'enveloppa d'un manteau, placa sur son visage un large masque
de velours et assura son feutre sur les torsades noires de ses cheveux.
Elle jeta un coup d'oeil sur une horloge: elle marquait trois heures du
matin.
"Le jour va bientot paraitre, fit-elle. Il est temps!..."
Elle siffla trois fois au moyen d'un sifflet d'argent qu'elle portait
toujours suspendu a son cou. Un homme parut.
--Nous allons en expedition, dit Fausta.
--Combien d'hommes d'escorte?
--Vous seul, cela suffira.
Alors Fausta sortit de la maison a pied,, suivie de ce seul homme. Les
rues de Paris etaient noires encore, et la solitude etait profon
|