st pour les anciens, lui!"--"Sire, repartit le
spirituel contradicteur, Alexandre, Annibal et Cesar ont ete
remplaces, mais Le Kain ne l'est pas." Cette severite pour Talma est
caracteristique ehez Fontanes, et tient a l'ensemble de ses jugements;
il ne voulait pas qu'on brisat trop le vers tragique, non plus que les
allees des jardins. Il avait vu Le Kain dans sa premiere jeunesse, et en
avait garde une impression incomparable. Il convenait pourtant que, dans
l'_Oreste_ et l'_Oedipe_ de Voltaire, Talma etait superieur a Le Kain;
ce qui, de sa part, devenait le supreme aveu. Faut-il ajouter qu'il en
voulait a Talma d'etre l'objet de je ne sais quelle, phrase de madame de
Stael, ou elle disait qu'il avait dans les yeux l'_apotheose du regard_?
Et puis Talma s'est beaucoup varie sur les dernieres annees, et a grandi
dans des roles modernes. M. de Fontanes, qui s'en tenait aux anciens,
s'irritait surtout qu'on en vint a _causer_ comme de la prose le beau
vers racinien _un peu chante_.--Souvent, dans ces conversations du soir,
l'Empereur indiquait a Fontanes et developpait a plaisir d'etonnants
canevas de tragedies historiques; le poete en sortait tout rempli.]
Ce que nous tachons la de saisir et d'exprimer dans son melange en pur
esprit de verite, ce que Napoleon tout le premier sentait et rendait si
parfaitement lorsqu'il ecrivait de Fontanes a M. de Bassano: "Il veut
de la royaute, mais pas la notre: il aime Louis XIV et ne fait que
consentir a nous," la suite des vers qu'on possede aujourd'hui le dit et
l'acheve mieux que nous ne pourrions. Car le haut dignitaire de l'Empire
ne cessa jamais d'etre poete, et comme ce berger a la cour, que la fable
a chante, et a qui il se compare, il eut toujours sa musette cachee pour
confidente. Eh bien! qu'on lise, qu'on se laisse faire! l'explication,
l'excuse naturelle naitra. Dans ses vers, si les griefs exprimes contre
Bonaparte resterent secrets, les eloges, prodigues tout a cote, ne
devinrent pas publics. S'il se garda bien de divulguer l'_Ode au Duc
d'Enghien_, il s'abstint aussi de publier l'_Ode sur les Embellissements
de Paris_. C'est une consolation pour ceux qui jugent les eloges de ses
discours exageres, de les retrouver dans ses poesies, ou ils ont certes
deux caracteres parfaitement nobles, la conviction et le secret.
Fontanes, sous son manteau d'orateur imperial, n'etait pas une nature
de courtisan et de flatteur, comme on l'a tant cru et dit. Un jour,
l'Empereur lui d
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