promenant en long et en large, le visage pale, les yeux battus,
portant dans toute sa personne les marques d'une preoccupation
fievreuse.
Lorsqu'il vit entrer Berengere derriere son grand-pere, il s'arreta
stupefait et ne pensa meme pas a prendre la main que le comte lui
tendait.
Il etait reste les yeux attaches sur Berengere, les sourcils eleves, la
bouche ouverte, le regard fixe, cloue sur place.
Comme elle etait restee derriere son grand-pere, de telle sorte
que celui-ci ne pouvait pas voir ses mouvements, elle fit signe au
capitaine, avec un sourire, de prendre la main que le comte lui tendait.
Puis passant au premier plan, elle lui offrit elle-meme la main a son
tour.
--Comment allez-vous, ce matin?
Il balbutia quelques mots tant sa stupefaction etait profonde.
Il avait cru ne jamais la revoir, et il avait passe la nuit en proie
a cette affreuse pensee; tout au contraire, elle etait la, souriante
devant lui.
Elle lui pressa les doigts doucement, longuement, et la joie la plus
vive qu'il eut jamais ressentie fit bondir son coeur.
Alors?
Mais il n'etait pas en etat, pas plus qu'il n'etait en situation
d'examiner cette question et de voir ce qu'il y avait dans ce changement
prodigieux.
Elle etait la, il la voyait, il l'entendait, il ressentait dans ses
veines les chaudes vibrations qu'avait soulevees son etreinte, et dans
son trouble de joie, il etait incapable de raisonner froidement.
D'ailleurs il lui fallait repondre a M. de la Roche-Odon, et c'etait la
une tache deja bien assez difficile.
Il fit un effort pour se remettre et trouver quelque chose de
raisonnable a dire, mais son esprit etait emporte par un irresistible
tourbillon.
Ce que disait le comte, il ne l'entendait meme pas.
Berengere, apres lui avoir serre la main, avait recule de quelques pas,
et elle etait restee debout derriere son grand-pere.
Comme si elle ne savait que faire, elle se mit a prendre des livres les
uns apres les autres, a les feuilleter negligemment et a les reposer sur
la table.
Puis; tout a coup levant un doigt en l'air, elle fit signe au capitaine
d'etre attentif.
Il n'avait pas besoin de cet appel, ne la quittant pas des yeux.
Alors, ayant abaisse sa main levee, elle la glissa dans la poche de sa
robe, tandis que de sa main gauche, elle ouvrait un volume pose a plat
sur la table.
D'un rapide coup d'oeil, elle reitera et appuya son appel d'etre
attentif a tous ses mouvements.
Puis vive
|