jour...
Elle hesita.
--... Jusqu'au jour ou je serai libre, soit par l'emancipation, soit par
le mariage.
Elle avait prononce ces dernieres paroles lentement, peniblement,
mettant un silence entre chaque mot, mais cela dit, elle parla avec
volubilite comme si elle venait de debarrasser sa langue du baillon qui
la paralysait.
--Cette emancipation il l'avait esperee pour une date prochaine; mais,
par suite de formalites legales, mal comprise par lui, il parait qu'elle
est impossible. Je n'ai pas a vous expliquer cela, c'est inutile,
n'est-ce pas? Il y a un fait, je ne puis pas etre emancipee, je ne puis
etre que mariee. Mais precisement je ne veux pas qu'on me marie.
--Ah! vous ne voulez pas...
--Non, je veux me marier moi-meme; petite fille je disais que je
n'epouserais que l'homme que j'aurais choisi et que j'aimerais; grande
fille je n'ai pas change de sentiment.
Il se fit un silence.
Le capitaine ecoutait avec une anxiete si vive qu'il ne pensait pas a
interrompre ou a interroger.
Quant a Berengere, elle s'etait de nouveau laisse reprendre par
l'emotion qui, quelques instants auparavant, l'avait paralysee.
Cependant apres quelques secondes elle continua:
--Vous pensez bien, n'est-ce pas, que je ne suis pas fille a me laisser
donner un mari, meme quand ce serait pour assurer le repos et le bonheur
de mon pauvre grand-papa que j'aime tant; dites-moi que vous le pensez.
--Je le pense.
--Alors, puisqu'il en est ainsi, vous ne devez pas etre surpris que je
me sois resolue a me marier, et c'est pour vous annoncer mon mariage que
je vous ai demande ce rendez-vous.
--Vous vous mariez! s'ecria-t-il, bouleverse, eperdu.
--Oui, je me marie, heureuse et fiere du choix que librement j'ai fait.
Depuis qu'elle parlait, deux pensees absolument opposees l'avaient
alternativement transporte et accable; mais il n'osait accepter l'une,
et il ne pouvait s'abandonner a l'autre.
Ah! je vous en conjure, s'ecria-t-il, parlez serieusement.
--Serieusement! Regardez-moi donc et dites-moi si je ne suis pas
serieuse dans mes paroles.
Elle se pencha vers lui, tandis qu'il s'inclinait vers elle, et pendant
un espace de temps dont ils n'eurent pas conscience, ils resterent ainsi
face a face, les yeux dans les yeux.
Violemment il leva tout a coup les deux bras pour la prendre et
l'eteindre, mais un dernier effort de volonte et de raison le retint; il
ramena ses bras sur sa poitrine et se cacha la tete entr
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