ait pas a un rendez-vous et n'entrait pas dans une
maison avec les facons du vulgaire.
En trouvant cette cameriste derriere la porte, il avait vivement defait
son pardessus et, sans un mot, il le lui avait jete sur les bras; puis,
avec un geste theatral, il lui avait donne son chapeau et sa canne.
Alors il s'etait passe les deux mains dans les cheveux de maniere a
faire bouffer sa frisure aplatie et collee sur ses tempes, puis la
poitrine cambree, les bras arrondis, la tete renversee en arriere dans
la pose de Fernand, d'Edgar ou de Raoul pret a chanter sa grande scene
d'amour, il avait suivi Emma sans preter plus d'attention a cette
confidente que si elle avait ete une simple dame des choeurs.
Emma n'etait nullement begueule, elle admettait tres-bien qu'une femme
eut des caprices; la liaison de sa maitresse avec lord Harley etant une
sorte de mariage, il etait parfaitement legitime et tout a fait naturel
a ses yeux que la vicomtesse voulut se distraire de la monotonie et de
la vulgarite de cette vie conjugale par quelques fantaisies; mais encore
fallait-il prendre pour partenaire, dans ces distractions, un homme qui
ne fut pas mal eleve, et ce chanteur etait un goujat. Pas un mot; ne
retirer son chapeau que pour le lui donner a tenir! Elle avait plus
d'une fois ouvert ainsi la porte a des gens d'autre volee que ce
comedien, et ceux-la avaient ete polis avec elle, quelquefois meme
galants, dans tous les cas genereux.
Bientot, d'autres griefs plus serieux encore, s'etaient ajoutes a
ceux-la qui a ses yeux etaient deja bien assez graves, cependant, pour
qu'elle detestat et meprisat ce chanteur.
Contrairement au commun usage, elle eprouvait pour sa maitresse une
sincere affection, car la vicomtesse etait de ces charmeuses qui se font
aimer de tout ce qui les approche; gens et betes, egaux ou inferieurs,
il fallait qu'elle seduisit, et pour arriver a ce resultat elle
deployait un art incomparable, et un charme irresistible; il est vrai
qu'une fois qu'elle avait reussi, elle ne s'occupait de ceux sur
lesquels elle avait exerce sa puissance que le jour ou ils menacaient de
l'abandonner, et encore fallait-il qu'elle eut interet a les retenir;
pour ceux qui ne lui etaient pas utiles, elle les laissait aller,
satisfaite a leur egard de la victoire qu'elle avait remportee. Comme,
de toutes les personnes qui l'entouraient, Emma etait precisement celle
qui lui rendait les plus grands services, et qui par la lui etait
indi
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