me Pretavoine s'etait retiree, desolee de n'avoir pas pu faire
accepter "ses medailles de notre bonne mere qui est au ciel."
XXXIV
C'etait beaucoup pour madame Pretavoine d'avoir pu amener mademoiselle
Emma a parler des amours et des amants de sa maitresse, mais ce qu'elle
avait obtenu tout d'abord n'avait guere ete satisfaisant.
Que lui importait Cerda et sa Transteverine?
Ce qui l'eut autrement interessee, c'eut ete un recit un peu detaille
des amours de la vicomtesse et de lord Harley.
Mais en reflechissant a ce qu'elle avait appris de Cerda et de sa
Transteverine, l'idee lui vint que ce qui, au premier abord, lui aurait
paru insignifiant, pouvait au contraire devenir plein d'interet.
Madame Pretavoine n'etait point une femme d'imagination en ce sens
qu'elle n'inventait pas; il lui fallait un fait qui lui servit de point
de depart; mais une fois ce fait trouve, elle savait en tirer tout le
parti possible.
Lorsque, dans le recueillement de la nuit, elle se rappela l'histoire
de Cerda et de Rosa, elle vit que de ce cote il y avait aussi de la
tromperie: Cerda trompait sa maitresse du Transtevere pour madame de la
Roche-Odon, comme celle-ci trompait lord Harley pour Cerda.
Ce fut un trait de lumiere.
Ce fut le fait qu'elle avait vainement cherche du cote de la vicomtesse,
et qui surgissait du cote de la Transteverine, tout a coup, juste a
point, par une grace de la douce Providence; car dans tout ce qui lui
arrivait d'heureux, madame Pretavoine ne manquait jamais de voir la main
de la Providence, qui, selon sa croyance, restait toujours etendue
vers elle pour la guider, meme alors qu'elle marchait a un but que
le vulgaire pouvait trouver peu honnete, mais qui pour elle devenait
legitime du moment qu'elle reussissait a l'atteindre. Son raisonnement
sur ce point etait des plus simples: "Je n'entreprends rien qu'avec
l'aide de Dieu; comme Dieu est essentiellement juste, si je reussis,
c'est que Dieu a trouve juste que je reussisse." Avec une pareille force
interieure, elle n'avait pas besoin de prendre souci des lois de la
morale vulgaire, elle n'avait a s'inquieter que du succes, qui pour elle
justifiait tout, puisqu'il etait l'oeuvre meme de Dieu.
Lorsque ce trait de lumiere eblouit son esprit, elle sauta a bas de son
lit, et se jetant a genoux sur le plancher de sa chambre, elle adressa
un chaleureux acte de grace a la Providence.
Cette inspiration etait divine.
Maintenant elle tenait la vi
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