une scene a sa maitresse, il etait
sorti.
Cela resultait jusqu'a l'evidence du peu de temps qu'il avait passe dans
la maison. Bien certainement il s'etait contente de ce qu'il avait vu et
entendu, et s'il avait dit un mot, c'avait ete un seul: "Tout est fini!"
Et, pour madame Pretavoine, ce mot suffisait. Quant au reste, elle
n'avait pas a en prendre souci.
La seule question inquietante qui se presentait, etait de savoir si,
apres etre ainsi sorti sous l'impulsion d'une juste fureur, lord Harley
ne reviendrait pas ramene par la lachete de la passion.
Mais c'etait la une question insoluble et meme insondable pour le
present; l'avenir seul pouvait la decider.
Et, rentree dans sa chambre, madame Pretavoine se coucha avec la douce
satisfaction d'avoir bien employe sa soiree.
Le lendemain matin, de bonne heure, elle entra dans la chambre
d'Aurelien avant que celui-ci fut eveille, et ce fut le bruit de sa
porte qui lui fit ouvrir les yeux.
--Je desire que vous vous arrangiez pour voir le prince Michel
aujourd'hui; dit-elle.
--Ah! et pourquoi?
--Pour le voir.
--Et c'est tout?
--C'est le principal, surtout si vous l'observez bien.
--Dans quel sens?
Madame Pretavoine n'aimait point a parler de ce qu'elle avait entrepris,
avant de l'avoir mene a bonne fin; mais, dans le cas present, elle etait
obligee de manquer a cette regle de conduite, et de s'ouvrir jusqu'a un
certain point a son fils, si elle voulait que celui-ci lui vint en aide
d'une maniere efficace.
--J'ai tout lieu de supposer, dit-elle, que lord Harley a rompu avec
madame de la Roche-Odon.
--C'est impossible! Il y a trois jours encore ils etaient au mieux, je
puis vous l'assurer.
--Trois jours, c'est bien loin.
--Et quand aurait eu lieu cette rupture, alors?
--Cette nuit a minuit.
--Vous etes sortie deja ce matin?
--Non.
--Vous avez vu quelqu'un?
--Personne, ce matin.
--Cependant...
--Vous savez que je ne parle jamais a la legere; je suis sortie hier a
minuit, et j'ai appris ce que je viens de vous dire.
Aurelien regarda sa mere avec stupefaction.
--Et pourquoi voulez-vous que j'observe Michel? demanda-t-il.
--Pour voir l'effet que cette rupture a produit sur lui.
--Je ne peux pas l'interroger?
--Assurement, non; d'ailleurs, interroger les gens est un mauvais moyen
pour apprendre ce qu'ils ont interet a cacher; je suis certaine de la
rupture, mais j'ignore, bien entendu, si elle ne sera pas suivie d'
|