son fils avait concu
pour mademoiselle Berengere, amour profond, passionne, qui dominait sa
vie et qui lui avait fait voir dans le prince Michel le frere de celle
qu'il adorait.
La surprise avec laquelle la vicomtesse accueillit cette confession,
surprise qui par plus d'un point touchait au dedain et au mepris, montra
a madame Pretavoine que mademoiselle Emma n'avait pas parle, et alors
elle se trouva plus libre pour continuer.
Elle put ainsi improviser une fin a sa confidence, appropriee aux
besoins du moment.
--Ce serait vous tromper que de vous dire que j'etais favorable a ce
mariage; bien des raisons, dans le detail desquelles il est inutile
d'entrer, m'y rendaient au contraire hostile, et c'etait pour empecher
mon fils de vous adresser sa demande que je l'avais accompagne a Rome.
--Ah! vraiment?
--Mon Dieu, madame, je vous parle avec une entiere franchise, je suis
une femme d'argent, je ne trouvais pas que la fortune que mademoiselle
Berengere recueillerait un jour fut en rapport avec celle dont mon
fils jouira. D'autre part je suis une femme chretienne, profondement
chretienne, et de ce cote j'avais aussi des motifs pour ne pas desirer
cette union. Enfin je fis tant, qu'aidee par la protection divine,
j'empechai mon fils de vous entretenir de son amour et de vous demander
la main de mademoiselle votre fille. J'esperais avoir reussi et j'avais
vu mon fils partir pour Naples, persuadee qu'il avait renonce a ce
projet de mariage, quand ce matin j'ai recu de lui une lettre mise a la
poste a Rome avant son depart, et dans laquelle il me signifie qu'il ne
s'eloigne que pour me faire connaitre plus librement ses intentions.
Tenez,--elle fouilla dans sa poche, puis tout a coup elle retira sa
main,--mais non, je ne puis pas vous la lire, j'ai tant pleure que, si
je la lisais de nouveau, je serais incapable de garder ma raison. Enfin
il me dit que ce mariage est sa vie, et que s'il ne devient pas le mari
de mademoiselle Berengere, il est decide a aller en Chine se faire le
disciple et le serviteur des pieux missionnaires qui prechent notre foi
dans ce pays ou si souvent ils trouvent le martyre.
Elle se cacha le visage entre ses mains comme pour ne pas voir la croix
sur laquelle son fils serait crucifie un jour.
Puis apres ce moment de faiblesse donne a la douleur maternelle, qui
malgre les efforts apparents qu'elle faisait pour se contenir, l'avait
domptee, elle reprit:
--Mais ce n'est pas pour nous entret
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