--Non-seulement il fit cela, mais il presenta ce cheque a la banque de
Rome et toucha les dix mille francs.
--Non, non, mille fois non; c'est une infame calomnie.
--Direz-vous non a ce carnet,--elle tira le cahier de sa poche--dont une
feuille, vous le voyez, a ete enlevee avec la souche; direz-vous non au
caissier de la banque qui a paye les dix mille francs entre les mains du
prince; direz-vous non a ce cheque dont la signature est fausse?
Elle mit le cheque sous les yeux de la vicomtesse, mais en le tenant de
loin solidement a deux mains, de peur qu'on le lui enlevat.
La precaution etait superflue, car madame de la Roche-Odon paraissait
atterree et disposee plutot a fermer les yeux qu'a les ouvrir, a laisser
tomber plutot ses mains ballantes qu'a les etendre.
--Je dois vous dire, continua madame Pretavoine, comment ces faits
sont venus a ma connaissance, vous verrez alors qu'ils ne sont
malheureusement que trop vrais. Ayant garde la chambre pendant toute la
matinee, malade de chagrin a la lettre de mon fils, je suis allee a
la Banque de Rome vers quatre heures, pour une affaire que j'avais a
traiter avec le directeur. En parlant celui-ci m'a appris qu'il avait
le matin paye un cheque de dix mille francs tire par mon fils, c'etait
assez pour me reveler un faux; mon fils ne tire pas des cheques de cette
importance sans que j'en sois informee. De plus, la date confirmait ma
certitude, puisque mon fils etait a Naples, il ne pouvait pas dater un
cheque de Rome. On me montra la piece. Je prouvai qu'elle etait fausse.
Alors le directeur me dit qu'il allait deposer une plainte pour faire
arreter celui qui avait touche ce cheque et qui l'avait fabrique,--le
prince Michel Sobolewski. Comme vous, madame, mon premier mouvement fut
de m'ecrier: c'est impossible! Je dus me rendre a l'evidence. Alors je
suppliai le directeur de ne pas deposer sa plainte. Je lui demandai de
me charger de cette affaire. J'eus le plus grand mal a le decider. Enfin
il me confia cette piece. Avant de venir vous trouver, je rentrai chez
moi pour voir le carnet de cheques de mon fils. Je le trouvai sur son
bureau, avec cette feuille manquant. De plus, on me dit que le prince
etait venu le matin et qu'il etait monte chez mon fils. Voila les faits.
Madame de la Roche-Odon resta sans parler, accablee, ecrasee sous ce
coup, car ce n'etait pas une mere pleine de confiance en son fils qui
venait de le recevoir, c'etait au contraire une mere qui conn
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