ux comte de la Roche-Odon, comme nous
venons de reussir aupres du Saint-pere; heureusement l'abbe Guillemittes
est eveque de Conde, et il nous servira. Pour vous, bien entendu vous
restez a Rome. Le pelerinage de notre diocese arrivera dans dix jours;
il faut que vous soyez ici pour qu'on vous voie dans votre gloire;
c'est la place que vous occuperez dans la maison du Saint-Pere qui
vous imposera comme candidat politique dans les elections prochaines.
Maintenant, mon cher enfant, votre fortune est faite, vous n'avez plus
qu'a marcher seul.
--Et vous ne voulez pas rester pres de moi?
--J'ai ete a la peine, il n'est pas necessaire que je sois a l'honneur;
et puis pour vous, dans votre interet, il vaut mieux que vous paraissiez
seul; je n'ai que trop agi jusqu'a ce jour; desormais il sera bon que
vous agissiez vous-meme, il faut qu'on prenne confiance en vous, et pour
cela je dois m'effacer.
Neuf heures pour tout ce que madame Pretavoine avait a faire, c'etait
peu: prendre conge des personnes chez lesquelles elle avait ete recue;
faire ses adieux a Mgr de la Hotoie; porter un dernier cadeau a
Baldassare et a Cecilia; regler avec Lorenzo Picconi les honoraires du
service rendu par lui et ses protecteurs; enfin se presenter chez madame
de la Roche-Odon, pour toute autre que pour elle, il y avait de quoi
employer plusieurs journees. Mais madame Pretavoine connaissait l'art
d'economiser les mouvements et les paroles inutiles; a cinq heures du
soir il ne lui restait plus a faire que la visite a la vicomtesse de la
Roche-Odon: il est vrai que ce n'etait pas la partie la plus agreable et
la plus facile de sa tache.
Elle n'avait revu la vicomtesse qu'une fois depuis la remise du
consentement au mariage, et cette entrevue dans laquelle madame la
Roche-Odon avait accueilli Aurelien comme un futur gendre, avait ete
plus que froide.
Devant cette grande dame, madame Pretavoine n'avait jamais ete a son
aise, et une seule fois, ayant aux mains le faux de Michel, elle l'avait
dominee; mais chose bizarre, puisqu'elle possedait toujours cette arme,
c'etait la vicomtesse maintenant qui la dominait: elle avait notamment
une maniere de la regarder de haut en relevant la tete qui la troublait
et soulevait en elle comme un sentiment de malaise, et cependant, si
une de ces deux femmes devait rougir devant l'autre, madame Pretavoine
croyait bien sincerement que c'etait madame de la Roche-Odon et non
elle-meme.
Cette seconde entrevue
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