Pretavoine; et pour
la prendre il fut oblige de deranger le cahier de cheques.
Que pouvait bien lui dire cet imbecile-la pour s'excuser: quelque messe,
quelque ceremonie religieuse sans doute.
Et tout en decachetant la lettre, il haussait les epaules par un geste
de pitie.
Mais a la premiere ligne qu'il lut, il devint singulierement attentif et
ne haussa plus les epaules.
"Mon cher prince,
"Force de partir pour Naples, a l'improviste, je ne puis vous faire
prevenir de ne pas vous deranger demain. Et comme je ne sais ou vous
envoyer ce mot (passerez-vous la nuit via Gregoriana ou au Corso), je
prends le parti de le laisser ici pour vous prier d'agreer mes excuses."
--Stupide bete! s'ecria le prince, je m'en fiche bien de tes excuses.
Mais sans se laisser emporter par la colere, il continua sa lecture.
"Quand je serai de retour, j'aurai le plaisir d'aller vous faire ma
visite et nous reglerons alors l'affaire pour laquelle je suis desole
que vous ayez pris la peine de vous deranger aujourd'hui; et si par
malheur vous n'avez pas ete sage, eh bien! nous attendrons.
"Encore une fois pardonnez-moi et, avec mes regrets, agreez l'assurance
de mes sentiments devoues.
"Aurelien PRETAVOINE."
Michel resta un moment abasourdi.
Parti pour Naples!
Et instinctivement il chercha au bas de la lettre l'adresse "de cet
imbecile."
Mais il ne la trouva pas.
D'ailleurs qu'en eut-il fait?
Il faut huit ou dix heures, selon les trains, de Rome a Naples: dix
heures pour aller, dix heures pour revenir, cela faisait deja vingt
heures en admettant que le Pretavoine se trouverait en descendant de
chemin de fer; or, c'etait ce jour meme qu'il devait payer ces neuf
mille francs "a cette brute de Kanitz".
Maintenant ou les trouver, ces neuf mille francs?
Il fallait qu'il les trouvat, qu'il se les procurat n'importe comment,
n'importe a quel prix.
Il etait reste devant le bureau d'Aurelien, tenant sa lettre dans sa
main; ses yeux tomberent sur ce bureau et virent le cahier de cheques
grand ouvert.
Si cet imbecile avait ete la, comme il devait y etre, il n'aurait eu
qu'a remplir un de ces cheques et les neuf mille francs etaient trouves;
Kanitz etait paye, quel triomphe!
Tandis que, parce que cette triple brute avait eu la fantaisie d'aller
se promener a Naples, ce serait une chute honteuse qui se produirait au
lieu de ce triomphe.
Evidemment si ce bon garcon etait la, il ne refuserait pas de mettre sa
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