ntanement il lui abandonna le bras, et sans un mot il
s'eloigna.
Bien qu'elle ne fut pas peureuse, son saisissement avait ete si vif,
qu'elle resta un moment sans trop savoir ou elle etait, apres que lord
Harley se fut eloigne.
Mais elle n'avait pas l'habitude de s'abandonner a ses emotions pas plus
qu'a l'ebranlement de ses nerfs.
Elle reagit vivement et vigoureusement contre la surprise qui, durant
quelques secondes, l'avait paralysee, et se dit qu'elle avait ete bien
bete de se laisser surprendre ainsi.
L'action de lord Harley, incomprehensible tout d'abord, s'expliquait
facilement en l'examinant: malgre sa preoccupation, il l'avait vue,
lorsque traversant la rue avant de sonner, il s'etait presque jete sur
elle, et lorsqu'en sortant il l'avait retrouvee a la meme place, l'idee
lui etait venue qu'elle etait la pour l'observer; donc puisqu'elle
savait qu'il allait arriver, c'etait elle qui devait avoir ecrit la
lettre anonyme.
Cela se deduisait logiquement, et le reste etait tout aussi clair.
S'il l'avait ainsi brusquement entrainee sous le bec de gaz, c'etait
dans l'esperance de la reconnaitre, et s'il s'etait eloigne avec un
geste de fureur, c'etait parce que le visage qu'il avait vu ne lui avait
rien dit.
Mais ayant echappe a ce danger, il etait imprudent de s'exposer a un
autre: Cerda et Rosa, qui, eux aussi, pouvaient l'avoir vue en passant,
allaient peut-etre venir a elle en la retrouvant la lorsqu'ils
descendraient, et il n'etait pas du tout certain qu'ils se
contenteraient du geste de fureur de lord Harley: les italiens ont
le sang plus bouillant que les Anglais, et leur main est prompte au
couteau.
Elle s'eloigna donc, si vive que fut son envie de voir la fin de cette
scene, qui avait si bien commence.
Ce qu'elle avait vu, d'ailleurs, etait pour elle le point essentiel,
celui-la meme qu'elle avait desire et poursuivi,--c'est-a-dire le depart
de lord Harley.
Le reste etait affaire de simple curiosite. Ce n'etait pas la querelle
de Cerda avec madame de la Roche-Odon ou de Rosa avec Cerda, qui devait
faire le mariage d'Aurelien; c'etait celle de lord Harley avec la
vicomtesse.
Et pour celle-la, elle etait fixee.
Sans avoir vu comment les choses s'etaient passees, elle pouvait
surement reconstituer leur marche.
En penetrant chez la vicomtesse, lord Harley avait entendu et vu la
scene que Rosa faisait a Cerda, et, aux premiers mots, il avait tout
compris. Alors, sans faire lui-meme
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