mma, madame Pretavoine avait
confie Michel a Aurelien.
Elle n'avait pas, en effet, pour surveiller le fils les memes facilites
que pour surveiller la mere, tandis qu'Aurelien pouvait, en continuant
et en resserrant sa liaison avec Michel, arriver a une intimite, qui,
avec un peu d'adresse, le lui livrerait pieds et mains lies a un moment
donne.
Aurelien, qui n'avait pas besoin qu'on l'invitat a travailler lui-meme
au succes de son mariage, s'etait applique avec ardeur a faire la
conquete de son futur beau-frere, et Michel, qui ne pouvait pas prevoir
dans quel but on le courtisait, s'etait livre d'autant plus facilement
aux seductions et aux flatteries de son nouvel ami, que par suite de
son caractere hargneux, de ses insolences, de son egoisme et de sa
brutalite, il n'etait pas habitue a une pareille bonne fortune; un homme
de son age, independant par position et par fortune, qui acceptait ses
rebuffades, cela etait precieux.
Ce qui tout d'abord l'avait seduit dans Aurelien, c'avait ete la
complaisance de celui-ci a se faire le confident et le compagnon de ses
amours avec "la jeune modiste du Corso qui avait du chien".
Ainsi que cela arrive pour un grand nombre de jeunes gens, le prince
Michel etait tres-fier d'avoir une maitresse a lui, et ce n'etait point
pour sa vanite une petite chose que de montrer a un camarade combien il
etait aime, et aussi comment il savait se faire aimer.
Aurelien avait joue ce role de confident avec un talent veritable,
ecoutant les forfanteries de Michel, riant aux plaisanteries de
sa maitresse, et n'intervenant entre eux que pour les raccommoder
lorsqu'ils se brouillaient, ce qui, a vrai dire, arrivait souvent.
Pour Michel, c'etait une joie a nulle autre pareille de pouvoir dire a
Aurelien:
--Eh bien! mon cher, vous voyez comme nous nous aimons.
Pour lui, le bonheur etait fait pour une bonne part de l'envie et de la
jalousie qu'il se flattait d'inspirer aux autres: c'etait pour humilier
les simples bourgeois qu'il etait heureux d'etre prince; et c'aurait ete
pour les ecraser de son luxe qu'il aurait voulu etre riche, tres-riche,
insolemment riche.
Ne pouvant se donner ce luxe, il se donnait au moins celui d'etre
aime, et par la le plaisir d'accabler Aurelien de l'amour qu'on lui
temoignait. Il n'y avait qu'un homme tel que lui, qu'un prince qu'on
pouvait aimer, comme il etait aime, et bien certainement cette fille,
"qui avait du chien", n'aurait pas prodigue son amour a
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