es terribles de la deveine.
Cela lui aurait ete d'autant plus commode qu'Aurelien, sur la question
du pret, s'etait montre aussi complaisant, aussi coulant que sur toutes
les autres.
Un jour que le prince l'accueillait avec une mine hargneuse et par
des paroles desagreables, il l'avait doucement interroge et peu a peu
confesse.
--Si vous aviez perdu ce que j'ai perdu cette nuit, nous verrions si
vous seriez de bonne humeur!
--Vous avez beaucoup perdu?
--Qu'est-ce que ca vous fait?
--Cela m'interesse, et ce qui me touche, surtout, c'est de voir votre
mecontentement.
--Voulez-vous que je chante quand je ne sais ou me procurer la somme que
je dois?
--Comment!
--J'ai fait tant d'emprunts a ma mere en ces derniers temps, que je ne
peux plus lui rien demander.
--Pourquoi ne vous adressez-vous pas a vos amis?
--Parce que les amis qui ouvrent leur bourse sont plus rares que ceux
qui ouvrent leur coeur.
--Laissez-moi vous dire que ceux qui ferment leur bourse apres avoir
ouvert leur coeur ne sont pas des amis.
--Vous en connaissez des amis de cette espece ideale?
--Certes, oui; en tous cas j'en connais un.
--Et ou est-il?
--Ici.
--Vous!
--Si vous le voulez bien.
Il y a des gens qui ont la fierte dans les manieres et d'autres qui
l'ont dans le coeur, ce n'etait point dans cet organe que le prince
Michel Sobolewski avait place la sienne.
Il tendit la main a Aurelien avec un mouvement d'effusion.
--Mon cher Pretavoine, vous etes un bon garcon.
--Un ami.
--Oui, un bon ami, soyez certain que je n'oublierai jamais ce que vous
faites pour moi en ce moment.
Il l'avait si peu oublie, qu'au bout de quelques jours, il lui avait
adresse une nouvelle demande a laquelle Aurelien avait repondu de la
meme maniere, c'est-a-dire en ouvrant sa bourse ou plus justement son
livre de cheques.
--Je vous rendrai tout ensemble, mon cher ami, et dans deux ou trois
jours; tenez, samedi prochain sans faute; il est impossible que la
deveine me poursuive toujours; je vais me rattraper; et puis d'ailleurs
j'ai de l'argent a recevoir.
La deveine l'avait cependant toujours poursuivi, et au lieu de recevoir
de l'argent il en avait demande de nouveau a Aurelien, une fois,
dix fois, avec des assurances sans cesse plus formelles, mais qui
malheureusement ne se realisaient pas.
Chaque fois qu'Aurelien faisait ainsi un nouveau pret, il en parlait
bien entendu a sa mere, et toujours celle-ci lui repond
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