spensable, elle avait continue avec sa femme de chambre son systeme
de seduction, si bien que celle-ci, malgre le nombre des annees qui
s'etaient ecoulees, en etait restee a la lune de miel.
En voyant sa maitresse tombee sous la domination de Cerda, mademoiselle
Emma avait eprouve un veritable chagrin: ce n'etait plus en effet le
caprice qu'elle permettait, et pour lequel elle avait des explications
aussi bien que des excuses, c'etait une passion, et elle n'admettait
point les passions,--chez la femme, bien entendu, car chez l'homme
c'etait tout autre chose. Qu'un homme fit des folies ou commit des
crimes pour une femme, cela lui paraissait tout naturel; mais
qu'une femme s'inquietat d'un homme, cela lui avait toujours paru
invraisemblable; sur ce point le dicton populaire: "Un de perdu, dix de
retrouves," etait le sien.
Comment la vicomtesse, aux pieds de laquelle elle avait vu les hommes
les plus remarquables par la position, le talent, la naissance ou la
fortune, des princes, des artistes, des financiers, s'etait-elle prise
d'une belle passion pour ce tenor qui naguere etait garcon d'auberge,
c'etait ce qu'elle ne pouvait pas comprendre.
Que madame de la Roche-Odon eut voulu savoir ce qu'etait ce vainqueur
qui avait remporte tant de victoires, c'etait ce qu'elle s'expliquait
facilement; mais pourquoi, la curiosite satisfaite, ne l'avait-elle pas
consigne a sa porte?
Un caprice a satisfaire etait excusable; une liaison avec un individu
de cette espece etait plus qu'un crime, c'etait une maladresse et une
faute.
Mademoiselle Emma n'etait pas seulement la femme de chambre de madame de
la Roche-Odon, elle etait encore son intendante, son homme de confiance;
c'etait elle qui payait les fournisseurs et qui discutait avec les
creanciers; elle connaissait donc les ressources et les dettes de la
vicomtesse mieux que celle-ci ne les connaissait elle-meme.
Que deviendrait-on si cette liaison amenait une rupture avec lord
Harley?
Ce serait la misere, et une misere honteuse, a moins que, le comte de
la Roche-Odon mourant, on put mettre la main sur la personne et sur la
fortune de Berengere.
Mais on ne pouvait guere compter sur cette mort d'un homme qui avait la
bassesse de prendre toutes sortes de laches precautions pour conserver
sa sante, tandis qu'on pouvait compter d'une maniere a peu pres certaine
sur une rupture avec lord Harley.
Que fallait-il pour que cela arrivat? un rien, un hasard malheureux ou
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