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elle avait ose parler de son amour pour Richard, c'avait ete dans un
mouvement d'exaltation qu'elle ne retrouverait pas, et elle etait bien
certaine maintenant de n'eprouver que de l'embarras ou de la confusion.
Mais quand elle l'apercut revenant de chez Richard, elle ne pensa plus a
cet embarras ni a cette confusion, et n'eut qu'une idee: savoir ce qui
s'etait decide entre eux--son pere et son mari, son Richard.
--Tu viens de Conde? s'ecria-t-elle.
--Qui te l'a dit?
--Mon coeur; tu as vu Rich..., M. de Gardilane?
--Je l'ai vu.
--Et...?
J'ai demande a M. de Gardilane d'etre avec toi, ce qu'il avait ete avant
la journee d'hier, et il m'a donne sa parole d'honneur de se conformer a
cette condition. Toi, de ton cote, tu vas me faire la meme promesse.
--Oh! grand-papa!
--Si tu veux me jurer de ne pas adresser une parole de tendresse a M.
de Gardilane et d'etre pour lui ce qu'une jeune fille modeste doit
etre pour un ami de son pere, cela et rien de plus; M. de Gardilane
continuera a etre recu ici le jeudi, jusqu'au jour ou j'aurai pris une
resolution definitive. Peut-etre serait-il plus sage a moi de ne plus
recevoir M. de Gardilane, cependant je veux avoir encore confiance en
vous, en lui comme en toi, si tu me fais le serment que je te demande.
--Mais... grand-papa...
--Je ne veux pas de discussion a ce sujet, comprends-le.
--Cependant...
--Tu jures, il vient; tu refuses de jurer, il ne vient pas. A toi de
decider si tu veux le voir.
Berengere comprit que toute discussion serait inutile.
Elle verrait Richard.
Tout etait la, et apres les craintes qu'elle venait d'eprouver, c'etait
un grand point d'obtenu, c'etait le triomphe.
Le reste viendrait plus tard.
Une rupture immediate etait possible; puisqu'elle n'avait pas eu lieu,
il n'y avait pas a craindre qu'elle se produisit dans la suite; ce
serait a elle, ce serait a Richard de l'empecher, et sans chercher a
s'entretenir de leur amour ou de leur mariage, ils arriveraient bien
a s'entendre tacitement a ce sujet; leurs coeurs n'etaient-ils pas
d'accord?
--Je te jure d'etre ce que tu veux que je sois, dit-elle.
--Bien; maintenant qu'il ne soit plus question de M. de Gardilane entre
nous, c'est encore une condition que je t'impose.
Vingt ans plus tot, M. de la Roche-Odon n'eut pas adopte cette ligne de
conduite avec le capitaine; il eut dit:
"Vous aimez ma fille, vous voulez l'epouser, c'est bien,
convertissez-vous, sinon e
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