s'accoudant sur les genoux de son
grand-pere, elle le regarda longuement.
Puis avec le sourire d'un enfant gate, qui est sur de l'indulgence et
meme de la faiblesse de son juge:
--J'attends, dit-elle.
--Moi aussi.
M. de la Roche-Odon aurait voulu prononcer ces deux mots avec severite,
mais cela lui fut impossible, l'accent dementit le sens des paroles.
Alors Berengere lui prenant la main et la lui baisant tendrement:
--C'est que tu n'es pas un confesseur comme l'abbe Colombe, toi,
grand-papa, dit-elle. Que l'abbe Colombe ait l'air irrite ou indulgent,
cela n'a pas d'importance; ce n'est pas a lui que je parle quand je lui
adresse la parole, ce n'est pas lui que je regarde, c'est Dieu. Mais
avec toi, c'est toi que je regarde, c'est a toi que je m'adresse,--a
toi, mon cher grand-papa, si bon, si indulgent, si tendre, si doux, si
aimant; alors comme en te regardant, je ne trouve plus cette bonte,
cette tendresse, cette douceur, je suis paralysee, et c'est pour cela
que je te dis: "j'attends." Est-ce que tu ne veux pas me sourire un peu?
Et, souriant elle-meme, elle le regarda jusqu'au moment ou elle l'eut
contraint, pour ainsi dire, sympathiquement a sourire en faisant
violence a la severite qu'il imposait a son visage, mais qui n'etait pas
dans son coeur.
--C'est cela, s'ecria-t-elle, comme cela tu me donnes du courage, et si
tu savais combien j'ai besoin d'etre encouragee!
--Mais parle, parle donc, cruelle enfant! s'ecria M. de la Roche-Odon,
qui commencait a etre serieusement inquiet.
--Certainement je veux parler, je le dois, mais enfin il me semble que
jamais jeune fille n'a dit a son pere ce que j'ai a te dire. A sa mere
peut-etre, et encore faut-il pour cela une bien grande confiance unie a
la tendresse. Mais tu es une mere pour moi, en meme temps qu'un pere,
c'est-a-dire tout.
Et se levant vivement, elle lui jeta ses deux bras autour du cou, et a
plusieurs reprises elle l'embrassa.
Un pareil debut n'etait pas fait pour calmer les craintes du comte, mais
quelque envie qu'il eut de l'entendre, il ne pouvait pas repousser ces
caresses qui remuaient si delicieusement son coeur.
Avant de se rasseoir, elle se recula un peu pour regarder le visage de
son grand-pere, puis l'ayant contemple un moment, elle fit un signe de
la main comme pour dire qu'elle le trouvait tel qu'elle le souhaitait.
Alors s'etant rassise et ayant de nouveau pose ses mains sur les genoux
de son grand-pere, elle parla
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