ainsi:
--Si je te dis tout ce que je pense, tout ce que je fais, tout ce que
je desire, tu n'agis pas de la meme maniere avec moi, il y a bien des
choses que tu penses et que tu desires, et que tu ne me dis pas. Cela me
permet, n'est-il pas vrai, de chercher a deviner et a connaitre ce que
tu ne me confies pas, au moins quand cela a rapport a moi. J'ai donc
devine que tu voulais me marier, et... j'ai compris... au moins a peu
pres compris, pourquoi tu voulais ce mariage.
--Tu crois?
--Je suis sure. D'autre part, tu sais bien que j'ai compris aussi
pourquoi tu t'es impose ce regime severe qui fait que tu n'oses meme pas
manger quand tu as faim; tu sais bien que je ne suis pas aveugle, et tu
sais bien aussi que je ne suis pas tout a fait bete. Suis-je bete?
M. de la Roche-Odon n'avait pas envie de plaisanter, cependant il ne put
retenir le sourire qui lui vint sur les levres.
--Ah! enfin te voila comme je t'aime, s'ecria-t-elle, et je t'assure que
ta bonne figure te va mieux que tes airs severes. Puisque tu me souris,
tu voudras bien sans doute me repondre maintenant; me suis-je trompee en
devinant que tu desirais me voir mariee?
--Mais...
--Oh! je t'en prie, grand-papa, un oui ou un non: tu ne saurais croire
combien tu faciliteras ma tache, qui, je t'assure, est penible; si tu me
dis que je ne me suis pas trompee.
--Dans une certaine mesure, mais dans une certaine mesure seulement,
non, tu ne t'es pas trompee, je...
--Oh! c'est assez, je ne t'en demande pas davantage.
--Cependant...
--Non, c'est assez, pour moi il suffit que j'aie pu penser que tu
desirais me voir mariee, et tu l'as desire. Pensant cela, j'ai examine
si de mon cote je desirais me marier; car tu es trop bon pour me marier
contre mon gre, et de mon cote je ne suis pas d'un caractere a accepter
un mariage qui ne me plairait pas. Bien certainement je suis prete a
tout faire pour te contenter, a tout entreprendre, a tout souffrir;
cependant, il y a une chose qui me serait impossible, meme quand tu me
la demanderais, ce serait d'accepter un mari que tu aurais choisi et que
je n'aimerais pas.
Ou voulait-elle en arriver?
C'etait ce que se demandait M. de la Roche-Odon, surpris de cet etrange
langage et du ton avec lequel il etait debite.
--De mon examen de conscience, poursuivit Berengere, il est resulte que
je n'avais pas de repugnance pour le mariage et par suite que je serais
heureuse de te donner la joie de me voir libre, c'es
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