omnie, il quitta la Rouvraye au
jour naissant, et quand il arriva devant la grille du capitaine, l'aube
commencait seulement a blanchir le ciel du cote de l'orient.
Cependant, il sonna vigoureusement, en homme qui n'a pas le temps
d'attendre ou que l'impatience aiguillonne.
Les yeux encore gros de sommeil, Joseph vint ouvrir.
--Le capitaine?
--Il n'est pas leve, par extraordinaire.
--J'attendrai; prevenez-le que je suis la.
C'etait l'habitude de M. de Gardilane de se lever matin, mais, ce
jour-la il etait reste au lit, eveille perdu dans ses reves.
Le coup de sonnette du comte ne l'avait pas trouble, mais quand son
domestique vint lui dire que c'etait M. de la Roche-Odon qui avait ainsi
sonne, il sauta a bas du lit.
Le comte a pareille heure? Que pouvait signifier cette visite?
En moins d'une minute il s'habilla et descendit.
A la lueur de deux bougies allumees par Joseph, il apercut le comte
adosse a la cheminee et portant dans toute sa personne les marques d'une
sombre preoccupation, le visage pale, les sourcils contractes, les
levres convulsees, les mains tremblantes.
Il courut a lui:
--Monsieur le comte!
D'un geste M. de la Roche-Odon l'arreta a trois pas.
--Ma petite-fille m'a dit ce qui s'etait passe hier entre elle et vous,
je viens pour vous demander des explications a ce sujet.
Le capitaine s'inclina respectueusement.
--Monsieur le comte, je suis a votre disposition.
Et poussant un fauteuil aupres de la cheminee, il l'offrit au comte.
Mais celui-ci indiqua d'un geste rapide que ces temoignages de politesse
n'etaient pas en situation.
--Je vous ecoute, dit-il.
--Que voulez-vous que je vous dise?
--Tout.
--Veuillez m'interroger, je vous repondrai.
Le comte fronca le sourcil, mais le capitaine parlait d'un ton si
respectueux qu'il etait impossible de se facher de ses paroles.
--Ainsi vous aimez ma petite-fille? dit-il.
--Oui, monsieur le comte, de tout mon coeur je l'aime; pour toujours je
l'aime.
--Vous l'aimiez, lorsque je suis venu, il y a quelque temps, a cette
place meme, vous adresser certaines questions.
--Je l'aimais.
--Pourquoi ne me l'avez-vous pas dit alors?
--Parce que je ne croyais pas, je n'esperais pas que mademoiselle
Berengere put jamais devenir ma femme, et dans ces conditions je ne
devais pas vous avouer un amour qui ne pouvait pas etre un danger pour
mademoiselle Berengere.
--Cependant ma petite-fille connaissait cet amour.
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