faute, mais, enfin, malgre tout, tu n'as pas
repondu aux questions que miss Armagh, surprise par cette promenade, a
du te poser, et que je te pose maintenant a mon tour.
Apres un moment d'hesitation, Berengere fit un signe furtif a son
grand-pere, pour lui montrer l'institutrice.
Mais soit que le comte n'eut pas compris ce signe, soit qu'il n'eut pas
voulu le comprendre, il insista:
--Et alors? demanda-t-il.
--Mais je suis prete a te repondre, dit-elle avec resolution, en
soulignant le _te_.
Elle avait releve la tete et, bien qu'elle eut le visage empourpre, elle
regardait son grand-pere en face.
--Eh bien! reponds, mon enfant.
De nouveau elle se leva et, s'approchant de miss Armagh, comme elle
l'avait fait quelques instants auparavant:
--Lorsque je vous ai assure tout a l'heure de ma tendresse et de ma
reconnaissance, vous n'avez pas doute de moi, n'est-ce pas? dit-elle.
--Assurement non, mon enfant.
--Vous savez donc que j'ai pleine confiance en vous; vous savez aussi
combien je vous aime...
--Mais...
--Mais si grande que soit cette estime, si vive que soit cette amitie,
elles ne peuvent pas faire cependant que vous remplaciez grand-papa dans
mon coeur; il y a certaines choses qu'on dit a son pere et qu'on ne dit
pas a d'autres.
--Berengere! s'ecria le comte.
Tout d'abord miss Armagh fut suffoquee par ces paroles, qui disaient si
clairement qu'on ne voulait pas s'expliquer devant elle; sa fierte et sa
dignite furent blessees de ce manque de confiance; mais c'etait au fond
du coeur une brave et excellente femme.
--Parlez a monsieur votre grand-pere, mon enfant, dit-elle.
Et sans un mot de plus, elle se dirigea vers la porte.
Berengere courut a elle; miss Armagh lui tendit la main.
--Bonsoir, ma mignonne.
Et avec un sourire sur les levres, mais le coeur gros cependant, elle
sortit.
Lorsque miss Armagh fut sortie, Berengere revint vers son grand-pere.
--Oh! grand-papa, dit-elle, comme tu me regardes; jamais je ne t'ai vu
ces yeux irrites.
--Ta conduite avec cette excellente miss Armagh explique, il me semble,
mon mecontentement.
--Ecoute-moi d'abord, et tu verras ensuite si j'ai eu tort ou raison de
ne pas vouloir te repondre devant miss Armagh.
--Je t'ecoute.
--Oh! pas ainsi, ou bien je ne pourrai pas me confesser, car c'est ma
confession que tu vas entendre.
Elle poussa un siege bas et le placa devant le fauteuil du comte;
cela fait, elle s'assit vivement et
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