--Oh! bien sur que ce n'est pas moi qui ai eu cette idee, c'est miss
Armagh qui a mis tout le monde en mouvement pour chercher mademoiselle,
les autres et moi; alors j'ai fait ce qu'on me disait.
--C'est bien, rentrez au chateau, dites que je ne suis pas perdue et que
je viens derriere vous.
Elle avait besoin d'etre seule.
Parler en ce moment etait une sorte de profanation pour elle; elle avait
besoin d'ecouter les echos des paroles enchanteresses qu'elle venait
d'entendre, de se recueillir, d'entendre encore, de voir encore par le
souvenir celui qu'elle aimait.
En venant a ce rendez-vous elle avait ete sensible au murmure des arbres
et aux beautes de la foret, mais en retournant au chateau, elle ne fut
sensible qu'a ce qui se passait en elle, elle ne vit que Richard reste
dans ses yeux, elle n'entendit que la musique de sa voix resonnant dans
son coeur.
Ah! comme ce qui n'etait pas son amour, comme ce qui n'etait pas lui,
comme ce qui n'etait pas elle, etait insignifiant ou miserable en ce
moment.
Lorsqu'elle approcha du chateau elle apercut miss Armagh qui accourait
au-devant d'elle.
--Eh bien! s'ecria celle-ci de loin.
Berengere la laissa venir jusqu'a elle, et alors d'une voix hautaine:
--Eh bien! dit-elle.
--Vous etiez sortie.
--Sans doute.
--Sans rien dire.
--Aviez-vous peur que je fusse perdue?
Ce n'etait pas sur ce ton que Berengere repondait ordinairement a son
institutrice, aussi miss Armagh resta-t-elle un moment interloquee.
Mais elle se remit bien vite; n'avait-elle pas le droit de son cote?
Alors, le prenant de haut, elle s'adressa a cette petite fille revoltee,
en heritiere (sans heritage, helas!) des rois d'Irlande.
Malheureusement cette petite fille etait aussi une heritiere, et si son
institutrice descendait des rois d'Irlande, elle descendait, elle, d'un
sang qui avait fait des rois: Rollon, Robert Guiscard et Guillaume le
Conquerant.
Miss Armagh l'ayant pris de haut, Berengere le prit de plus haut encore.
Elle n'etait plus une petite fille.
Stupefaite de cette resistance, miss Armagh jugea prudent de ne pas
continuer une lutte ainsi engagee.
--Nous nous expliquerons ce soir avec M. le comte, dit-elle.
--Parfaitement; je regrette que vous fassiez cette peine a grand-papa,
mais comme je n'ai rien a lui cacher, j'accepte cette explication. A ce
soir.
Et, la tete haute, le regard assure, elle monta a son appartement ou
elle s'enferma, pour etre libre d
|