bras par un mouvement instinctif; mais il se
retint, car il ne pouvait pas paraitre vouloir empecher le comte de
toucher a ses livres.
Heureusement telle n'etait pas l'intention de celui-ci; il n'y avait
aucune arriere-pensee dans son mouvement.
Ils sortirent.
Berengere etait assise sous le saule et elle s'amusait a jeter des
petits cailloux dans la riviere, comme une enfant qui fait des ronds.
Elle fit un signe discret au capitaine pour lui demander s'il avait lu
le papier cache dans le livre.
Il repondit que non de la meme maniere.
Alors elle eut un geste d'impatience, qu'elle corrigea d'ailleurs
aussitot par un sourire.
--Nous vous laissons a votre travail, dit-elle.
Et comme il les reconduisait, elle voulut lorsqu'ils passerent devant la
maison qu'il rentrat; mais il tint a aller jusqu'a la grille.
Les adieux ne furent pas longs, car Berengere se chargea elle-meme de
les abreger en prenant le bras de son grand-pere.
Il put alors courir a son cabinet de travail.
Les mains tremblantes, il ouvrit le volume; le billet n'etait pas
cachete:
"Voulez-vous vous trouver demain, a trois heures, dans les ruines du
temple; j'y serai seule.
BERENGERE."
Il relut ce billet a quatre ou cinq reprises, et a chaque fois il lui
donna une interpretation nouvelle.
Laquelle etait la vraie?
Il n'osait croire son coeur.
Cependant il y avait un fait certain:
--Ce n'etait pas fini.
Et apres la journee de la veille et la nuit qui l'avait suivie, apres
ce qu'il avait vu, apres ce qu'il avait souffert, c'etait le ciel qui
s'ouvrait devant ses yeux eblouis.
XXIX
Dans la seconde moitie du dix-huitieme siecle, a l'epoque ou le marquis
de Girardin publiait un livre sur la _Composition des paysages_ et sur
les _Moyens d'embellir la nature_, un comte de la Roche-Odon, qui etait
philosophe et amant de la nature, avait eu l'idee d'embellir sa terre
patrimoniale selon le gout du jour.
Choisissant dans sa foret de la Rouvraye, a peu de distance du parc
reserve, un monticule isole, une sorte de petite colline formee de
rochers eboules, du haut de laquelle on decouvrait un immense horizon,
il avait fait elever sur le point culminant un petit temple grec de
forme ronde, surmonte d'un dome reposant sur une colonnade; un escalier
trace en pente douce sur les flancs de la colline, a travers les blocs
de gres et les massifs de pins, de genevriers et de bouleaux, conduisait
a ce monument; au bas de cet esca
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