seul principe divin
ces deux principes arbitrairement divises. Elle voulut sanctionner
l'amour, l'egalite, la communaute de tous, les elements de bonheur.
C'etait une idee juste et sainte. Quels en furent les abus et les exces,
il n'importe. Elle chercha donc a relever de son abjection le pretendu
principe du mal, et a le rendre, au contraire, serviteur et agent du bien.
Satan fut absous et reintegre par ces philosophes dans le choeur des
esprits celestes; et par de poetiques interpretations, ils affecterent de
regarder Michel et les archanges de sa milice comme des oppresseurs et des
usurpateurs de gloire et de puissance. C'etait bien vraiment la figure
des pontifes et des princes de l'Eglise, de ceux qui avaient refoule dans
les fictions de l'enfer la religion de l'egalite et le principe du bonheur
pour la famille humaine. Le sombre et triste Lucifer sortit donc des
abimes ou il rugissait enchaine, comme le divin Promethee, depuis tant de
siecles. Ses liberateurs n'oserent l'invoquer hautement; mais dans des
formules mysterieuses et profondes, ils exprimerent l'idee de son
apotheose et de son regne futur sur l'humanite, trop longtemps detronee,
avilie et calomniee comme lui. Mais sans doute je vous fatigue avec ces
explications. Pardonnez-les-moi, chere Consuelo. On m'a represente a vous
comme l'antechrist et l'adorateur du demon; je voulais me justifier, et me
montrer a vous un peu moins superstitieux que ceux qui m'accusent.
--Vous ne fatiguez nullement mon attention, dit Consuelo avec un doux
sourire, et je suis fort satisfaite d'apprendre que je n'ai point fait un
pacte avec l'ennemi du genre humain en me servant, une certaine nuit, de
la formule des Lollards.
--Je vous trouve bien savante sur ce point, reprit Albert."
Et il continua de lui expliquer le sens eleve de ces grandes verites dites
heretiques, que les sophistes du catholicisme ont ensevelies sous les
accusations et les arrets de leur mauvaise foi. Il s'anima peu a peu en
revelant les etudes, les contemplations et les reveries austeres qui
l'avaient lui-meme conduit a l'ascetisme et a la superstition, dans
des temps qu'il croyait plus eloignes qu'ils ne l'etaient en effet. En
s'efforcant de rendre cette confession claire et naive, il arriva a
une lucidite d'esprit extraordinaire, parla de lui-meme avec autant de
sincerite et de jugement que s'il se fut agi d'un autre, et condamna les
miseres et les defaillances de sa propre raison comme s'il eut ete
|