tentivement sous mes pas. Si un soldat leve son fusil vers
moi, je lui jette sur la tete tout un ballot de lettres de 40 kilogrammes;
mon navire aerien allege de ce poids retrouvera bien ses ailes. Malgre mon
vif desir de remplir ma mission, je n'hesiterai pas a perdre mes depeches
pour sauver ma vie.
Heureusement pour moi le vent est vif; je file comme la fleche au-dessus
des arbres; les uhlans me regardent etonnes, et me voient passer, sans
qu'une seule balle m'ait menace. Je continue ma route au-dessus de
prairies verdoyantes, gracieusement encadrees de haies d'aubepine.
Il est bientot midi, je passe assez pres de terre; les spectateurs qui me
regardent sont bel et bien, cette fois, des paysans francais, en sabots et
en blouse. Ils levent les bras vers moi, on dirait qu'ils m'appellent a
eux; mais je suis encore bien pres de la foret, je prefere prolonger mon
voyage le plus longtemps possible. Je me contente de lancer dans l'espace
quelques exemplaires d'un journal de Paris que son directeur m'a envoyes
au moment de mon depart. Je vois les paysans courir apres ces journaux,
qui se sont ouverts dans leur chute, et voltigent comme de grandes
feuilles emportees par le vent.
Une petite ville apparait bientot a l'horizon. C'est Dreux avec sa grande
tour carree. Le _Celeste_ descend, je le laisse revenir vers le sol. Voila
une nuee d'habitants qui accourent. Je me penche vers eux et je crie de
toute la force de mes poumons:
--Y a-t-il des Prussiens par ici? Mille voix me repondent en choeur:
--Non, non, descendez!
Je ne suis plus qu'a 50 metres de terre, mon guide-rope rase les champs,
mais un coup de vent me saisit, et me lance subitement coutre un
monticule. Le ballon se penche, je recois un choc terrible, qui me fait
eprouver une vive douleur, ma nacelle se trouve tellement renversee que ma
tete se cogne contre terre.--M'apercevant que je descendais trop vite je
me suis jete sur mon dernier sac de lest; dans ce mouvement le couteau que
je tenais pour couper les liens qui servent a enrouler la corde d'ancre
s'est echappe de mes mains, de sorte qu'en voulant faire deux choses a la
fois j'ai manque toute la manoeuvre. Mais je n'ai pas le loisir de mediter
sur l'inconvenient d'etre seul en ballon. Le _Celeste_, apres ce choc
violent, bondit a 60 metres de haut, puis il retombe lourdement a terre,
cette fois j'ai pu reussir a lancer l'ancre, a saisir la corde de soupape.
L'aerostat est arrete; les habitants de Dre
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