u-dessus des toits. Jossec et moi, nous sommes berces dans l'air,
comme a l'avant d'un navire. Ce mouvement de va-et-vient nous donnerait
le mal de mer si nous n'avions le pied aussi marin qu'aeronautique.--Les
habitants d'Orleans qui se sont reunis a la hate autour de nous, nous
regardent avec admiration, et montrent, par leur air ebahi, que ce moyen
de transport leur est completement inconnu. Ne croyez pas que le ballon
reste a la meme hauteur au bout de ses cordes, le vent le fait osciller a
la facon d'un grand pendule retourne; il pique une tete jusqu'a proximite
des toits, pour bondir a 40 metres; quelquefois le mouvement d'oscillation
est tel que l'aerostat souleve de terra une corde entiere, avec les
mobiles qui y sont pendus. Ceux-ci sont ravis de cette besogne si nouvelle
pour eux; ils ont les biceps tendus, et attraperont de bonnes courbatures;
ils recoivent quelquefois des horions, sont jetes par terre au milieu des
eclats de rire de leurs compagnons, mais tout cela n'est-il pas cent
fois preferable aux obus et aux boites a mitraille? Pour le moment ces
amabilites prussiennes ne sont pas a craindre. Vive la manoeuvre du ballon
captif! elle vaut mieux que celle du chassepot sous le feu des batteries
ennemies. Mais ne nous felicitons pas trop a l'avance, l'heure du danger
sonnera peut-etre aussi pour nous!
Si le transport en ballon captif est pittoresque, curieux et dramatique,
il faut avouer qu'il est d'une lenteur vraiment desesperante. Nous avons
a passer le chemin de fer et les fils telegraphiques, c'est un travail de
Romain. Il faut retenir le ballon par deux cordes seulement, en jeter deux
autres au-dessus des fils, que nos hommes saisissent, recommencer une
seconde fois la meme manoeuvre. Il faut avoir soin, pendant cette
operation delicate, que les mobiles ne lachent pas prise tous a la fois,
car le _Jean-Bart_ ne serait pas long a bondir a 2 ou 3,000 metres de
haut, abandonnant et les Prussiens, et l'armee de la Loire. Nous venons a
bout du passage de notre Rubicon et nous continuons notre route au-dessus
des champs herisses d'echalas de vignes. Le vent qui est vif nous est
contraire, il frappe le ballon sur une surface de 400 metres carres, voile
enorme d'une force surprenante, aussi nos pauvres mobiles depensent toute
leur force pour nous trainer avec la vitesse d'une tortue. Il y a une
heure que nous marchons et nous n'avons fait que deux kilometres! Nous
sommes a moitie chemin.... Arretons-nous quel
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