orama roulant; a la surface du sol, nous
comptons notre route arbre par arbre. Les mobiles se pendent aux cordages
et s'evertuent, le moindre coup de vent les souleve de terre. Mais
patience et perseverance doit etre maintenant notre devise. Arrives au
camp, nous aurons l'espoir de surveiller les Prussiens de haut, et si
nous pouvons devoiler leurs mouvements, quelle recompense de nos efforts,
quelle compensation apportee a nos fatigues!
A midi, le soleil a paru, il a ecarte les nuages de ses rayons brillants,
mais avec lui la brise s'est elevee. Le vent souffle apre et froid; il
imprime des oscillations frequentes a notre navire aerien. Nous sillonnons
l'espace au-dessus de la voie de chemin de fer en construction que nous
avons appris a connaitre sur notre carte, mais quelquefois le _Jean-Bart_
se rapproche de la cime des arbres, veritables recifs du navigateur
aerien. Il ne faut qu'une branche verticale pour crever l'etoffe du
ballon, a tous les pas nous redoutons un malheur. Chaque cime est une epee
de Damocles retournee sous notre nacelle.
Il est une heure, une clairiere s'offre a nous, le ballon y est descendu;
nos hommes se reposent. Je suis litteralement gele, et mon frere se
dispose a faire son quart apres moi. Il prend place dans l'esquif avec
le lieutenant de mobiles, mais a peine le ballon a-t-il ete traine de
quelques centaines de metres qu'une voix nous crie de la nacelle: "J'en ai
assez, faites-moi descendre!" C'est le pauvre lieutenant qui a eu le mal
de mer. Il est vert comme une pomme en mai et vient de lancer son dejeuner
pardessus bord en guise de lest! Il revient a terre completement gueri de
sa passion aerostatique.
Nous continuons notre marche bien lentement jusqu'a Chanteau. Nous avons
la a passer un chemin etroit borde de rideaux d'arbres, que nous allons
franchir en faisant monter le ballon jusqu'a l'extremite de ses cordes.
Mon frere vide deux sacs de lest pour maintenir le ballon a une hauteur
suffisante, et augmenter par l'accroissement de force ascensionnelle la
resistance a l'action du vent. Je crie aux mobiles de marcher vite s'ils
le peuvent, afin de passer rapidement ce detroit dangereux. Le _Jean-Bart_
se penche, et frise le sommet des premiers arbres, sans les toucher, puis
il se balance vers ceux qui se dressent de l'autre cote de la route. Il
oscille de nouveau et redescend vers un chene eleve... Il s'en rapproche
rapidement; va-t-il s'y briser? mon coeur bondit d'inquietude. Pa
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