grand besoin, nous
prenons soin de disposer le ballon de telle sorte que les coups de vent
violents auxquels il est soumis sans cesse ne puissent l'entrainer au
loin. Jossec et Guillaume vont chercher des pelles et des pioches; ils
creusent un trou carre ou la nacelle, remplie de pierres et de sacs de
lest, est enterree jusqu'au bordage superieur. Nous ne tardons pas a nous
apercevoir que ces precautions sont insuffisantes, le ballon qui a perdu
une quantite appreciable de gaz, est flasque et distendu, son etoffe
devient concave sous l'effort de l'air agite, et ce qui nous etonne, c'est
qu'il ne vole pas en lambeaux d'un moment a l'autre. En se creusant ainsi,
l'aerostat forme voile, et acquiert une force de traction enorme; en
quelques minutes, il a si bien elargi le trou de la nacelle, qu'il l'en
retire, et courrait a la surface des champs avec la vitesse d'un train
expres si les _moblots_ ne s'etaient jetes a temps sur les cordages; nous
faisons rentrer la nacelle du _Jean-Bart_ dans sa prison; nous attachons
au cercle une corde solide a l'extremite de laquelle nous fixons une ancre
que nous enfouissons a deux ou trois pieds sous terre. Cette fois le
_Jean-Bart_, croyons-nous, est cloue au sol, il sera peut-etre eventre
sous l'action du vent, mais il ne se debarrassera pas de ses liens. Helas!
L'un et l'autre accidents allaient survenir dans la nuit au plus fort de
la tempete.
A 6 heures du matin, les rafales sont si puissantes que l'aerostat se
penche completement jusqu'a terre; la il roule sur lui-meme, son etoffe
se souleve avec force comme une poitrine opprimee. On dirait le rale d'un
etre vivant qui va succomber, et qui lutte encore contre la mort. Les
mobiles en faction nous ont eveilles a temps pour assister a cette agonie.
Mais que faire pour conjurer le mal? Nous sommes de pauvres medecins qui
viennent trop tard, et qui ont a lutter contre une force qu'ils ne peuvent
vaincre. Ces tortures du _Jean-Bart_ nous font mal a voir; que de peines,
que de tourments, que de patience devenus inutiles!--Nous allons echouer
en vue du port.
Pauvre ballon! Son etoffe est bien solide, car elle est froissee par le
vent, avec une violence inouie, l'air s'y engouffre precipitamment, et y
resonne sourdement. Le _Jean-Bart_ se crispe, s'agite, touche le sol,
puis se redresse, bondit et s'allonge, comprime par le poids de l'air
en mouvement. Tout a coup une rafale siffle dans les arbres avoisinants
qu'elle fait ployer, elle e
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