moment, il peut monter a 100 a
200 a 300 metres de haut, et l'officier d'etat-major qui nous accompagnera
dans nos ascensions pourra voir l'ennemi jusqu'a plusieurs lieues si le
temps est clair.
--Mais c'est merveilleux, je veux employer tous vos ballons.
--Je dois ajouter cependant, repliquai-je, que des accidents peuvent
malheureusement survenir, que nos ballons ne resistent pas aux tempetes,
et qu'ils ne servent a rien quand le temps est couvert. Mais si le jour de
la bataille, le ciel est pur, il n'est pas douteux qu'ils donneront les
renseignements les plus precieux sur les mouvements de l'ennemi.
--Quel malheur, dit le general, que je ne vous aie pas eu avec moi a
Marchenoir, l'ennemi avait si bien cache ses positions que je ne pouvais
savoir d'ou etaient lances les obus qui accablaient mes soldats. Je suis
monte sur un clocher, mais je n'ai pu m'elever assez pour dominer un
rideau d'arbres qui arretait mes regards. Vous en souvient-il? ajouta
le general en se tournant vers son aide de camp. Ah! ce fut une rude et
terrible journee.
Il y eut un moment de silence que rompit bientot le general Chanzy.
--Votre ballon est gonfle? me dit-il.
--Oui, mon general.
--Ou est-il?
--Pres de l'usine a gaz, sur le bord de la Sarthe.
--Etes-vous pret a faire une ascension en ma presence? Je serai curieux
d'assister a vos experiences.
--Quand vous voudrez, general, mon frere et moi, nous nous eleverons
devant vous a trois cents metres de haut.
--Eh bien! je me rends de suite aupres de votre ballon.
Puis le commandant en chef de la deuxieme armee dit a son aide de camp:
--Faites seller mes chevaux; je pars de suite.
Je me sauve, en courant de joie, prevenir notre equipe, afin de tout
disposer pour l'ascension.
--Enfin, m'ecriai-je, voila donc un homme intelligent, qui a oublie la
routine, la vieille et sainte routine! Il ne m'a pas demande si je sortais
de Saint-Cyr ou du genie militaire, il m'a questionne sur ce que je
pouvais faire, et prend au moins la peine de venir voir des experiences
aerostatiques. Voila vingt ans que des aeronautes se presentent aux
generaux, au gouvernement, s'offrent dans toutes les guerres; mais les
officiers de cour ont toujours dit avec dedain:
--Vous n'etes pas de l'armee, mes amis, passez votre chemin!
Ce sont ceux-la meme qui disaient aux rudes habitants de l'Ardenne et des
Vosges:
--Vous n'etes pas de l'armee, vous n'aurez pas de fusils.
Et aux paysans qui
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