.
"Bientot les aeronautes crurent entendre le bruit d'un grand nombre de
locomotives; ils etaient sur les cotes de la mer; et c'etait le bruit des
vagues sur les rochers qu'ils pouvaient parfaitement distinguer. Puis ils
entrerent dans un brouillard epais, n'ayant aucun moyen de determiner leur
rapidite ou le mouvement horizontal de l'aerostat.
"Le brouillard s'etant dissipe, ils se trouverent au-dessus de la mer
et virent successivement un grand nombre de vaisseaux (dix-sept), entre
autres une corvette francaise a laquelle ils firent des signaux, qui ne
furent sans doute pas compris; on ne leur repondit point. Leur intention
etait de se laisser tomber sur la mer et de se tenir la, jusqu'a ce qu'ils
fussent recueillis par la corvette.
"Plus tard, on tira sur eux, sans doute d'un vaisseau allemand, mais sans
les atteindre. Ils avancaient toujours vers le nord avec une rapidite
vertigineuse. Ne voyant nulle part la terre et se trouvant de nouveau dans
le brouillard, ils expedierent un de leurs pigeons voyageurs, annoncant
qu'ils se croyaient perdus. Alors, ils jeterent une longue corde de la
nacelle, ce qui ralentit leur marche, le bout de la corde trempant dans
l'eau. Enfin, ils apercurent la terre et jeterent un sac de journaux et de
lettres. Le ballon, allege, remonta et prit une nouvelle direction vers
l'est.
"Ce fut une heureuse inspiration; sans cela, d'apres toute probabilite, le
ballon etait conduit vers la mer glaciale. Place dans ce nouveau courant,
l'aerostat continua son mouvement sur la terre ferme. Perdant de son lest,
il s'etait releve a une plus grande hauteur.
"On ouvrit la soupape pour lacher du gaz et faire descendre le ballon.
Pres de Lifjeld, paroisse de Silgjord, le ballon toucha le sommet des
arbres. Les voyageurs descendirent a l'aide de la corde qu'ils avaient
laissee pendre, et arriverent a grande peine presque sains et saufs.
"Aussitot allege d'une grande partie de son poids, le ballon s'eleva avec
rapidite sans qu'on put le retenir. Il etait alors 3 heures 40 minutes
de l'apres-midi, d'apres le meridien de Paris; c'etait le vendredi 25
novembre. "Quinze heures s'etaient ecoulees depuis leur depart de Paris;
ils ignoraient dans quel pays ils etaient tombes et comment ils y seraient
recus.
"Accables de lassitude, mourant de faim, suffoques par le gaz qui
s'echappait du ballon, ils s'evanouirent tous les deux. Bientot retablis,
ils se mirent a marcher en enfoncant profondement dans l
|