connaissent les ravins, les defiles, les gorges
escarpees, les bons coins, en un mot:
--Vous n'etes pas de l'armee, vous ne pouvez pas nous renseigner.
J'accours aupres du ballon.
--Le general va venir, dis-je a mon frere et aux marins, vite a la
besogne!
Nous voila tous joyeux, car nous brulons du desir de nous montrer, d'agir,
de nous rendre utiles. Et nos braves marins comme ils se mettaient a
l'ouvrage avec ardeur, car eux aussi ils n'avaient qu'une seule ambition,
c'etait de voir l'ennemi du haut de notre ballon, et de braver plus tard
au milieu de l'air la pluie d'obus et de mitraille.
On se met en mesure de tout preparer pour l'ascension, mais le vent si
calme depuis trois jours s'est eleve et souffle par rafales. En outre le
general de Marivaux nous a retire nos hommes de manoeuvre. Nous ne voulons
pas etre arretes par ces obstacles.
Une foule de francs-tireurs, de flaneurs, de soldats, accourent autour
de notre aerostat. Le marin Jossec leur adresse quelques paroles et leur
demande le concours de leurs bras pour tenir les cordes. Tous acceptent
de grand coeur. Je monte dans la nacelle pour faire une ascension
preliminaire, mais l'air est agite, le ballon se penche avec violence, il
ne faut pas songer a s'elever tres-haut.
Je suis seul dans mon panier d'osier, je jette par-dessus bord plusieurs
sacs de lest, pour donner au ballon une force ascensionnelle capable de
resister a l'effort de la brise. Je parviens a m'elever a 80 metres de
haut, mais a cette hauteur un coup de vent me fait decrire au bout des
cables un grand arc de cercle qui me jette presque au-dessus des maisons
avoisinant le point de depart. Deux sacs de lest vides a propos me
ramenent sur la verticale.
Cette experience montre clairement que malgre le vent l'ascension est
possible, on pourra montrer au general Chanzy ce dont les ballons
sont capables. A la hauteur ou j'ai pu m'elever, les horizons du Mans
s'etendaient sous mes yeux comme un vaste panorama, au milieu duquel
j'apercevais distinctement les tentes du camp de Pontlieu.
A peine suis-je revenu a terre, on apercoit de l'autre cote de la Sarthe,
un groupe de cavaliers qui accourent au galop.
C'est le general Chanzy et son etat-major. Il est monte sur un magnifique
cheval arabe qui caracole avec grace, trois aides de camp le suivent, et
derriere les officiers, galopent des goumiers arabes, aux manteaux rouges
et blancs: ce sont des grands negres, qui se tiennent sur le
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