are ce convoi prussien, aux mechantes charrettes de l'armee
de la Loire!
A 2 heures je suis a Paris. La grande ville est sombre et lugubre! Ses
habitants sont fatigues, abattus et consternes!
Quel triste retour, apres mon depart aerien du 30 septembre! C'est comme
le reveil apres un beau reve!
Je retrouve mon frere Albert et mon frere aine qui a servi dans les
bataillons de marche, et qui me raconte ses campagnes; je revois mes amis.
L'un d'eux manque a l'appel. C'est Gustave Lambert, l'intrepide pionnier
du Pole Nord. Il s'est engage comme simple soldat, et une balle stupide,
lancee par quelque brute, a frappe au coeur cet homme d'elite, cet
apotre d'une grande idee de science et d'initiative.--Gustave Lambert
m'embrassait la veille de mon depart, et se felicitait de voir les ballons
qu'il affectionnait contribuer a la defense de Paris.
--Au revoir, me disait-il, bon courage, bonne chance! Nous nous
retrouverons bientot. Vous continuerez vos ascensions. Quant a moi
j'irai au Pole Nord.--Soldat aujourd'hui, je reprendrai demain ma grande
_toquade_.
Gustave Lambert a ete frappe le meme jour que l'illustre peintre Regnault.
Ce jour-la les Prussiens, qui se pretendent les soldats de la science et
de la civilisation, ont pu se feliciter de leur besogne!
C'est par son souvenir que je termine le recit de mes voyages, car
la derniere parole que je lui ai entendu prononcer s'appliquait aux
ballons-poste. "Mon cher ami, me disait-il le 28 septembre, la guerre est
une chose hideuse, monstrueuse, c'est un grand crime des peuples. Mais
tout homme de coeur dans ces moments-ci doit se devouer pour son pays. Je
vous felicite de votre entreprise. En ballon vous allez rendre a votre
pays plus de services qu'en etant soldat, et vous etes sur de ne tuer
personne."
TROISIEME PARTIE
HISTOIRE DE LA POSTE AERIENNE
I
Naissance des ballons-poste.--Stations militaires autour de Paris. Les
premiers departs avec l'ancien materiel.--Construction des aerostats.
En retracant dans les pages qui precedent mes impressions de voyages
aeriens pendant la guerre, je n'ai eu ni la volonte, ni la pretention de
me separer de mes collegues; j'ai pense que je ne devais pas ecrire cet
ouvrage sans donner les details que j'ai pu recueillir sur la _poste
aerienne_, sur les voyages les plus curieux des aeronautes improvises de
la Republique, sur les courageux courriers a pied, qui tous ont droit au
meme titre a la reconnaissanc
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