de ses anciens camarades
de l'ecole des Beaux-Arts, qui lui donne un laissez-passer prussien pour
Paris. Il part de suite, trop heureux de retrouver apres tant d'aventures
son toit et ses foyers. Je suis presente par un de mes amis a un avocat
distingue qui, pendant la guerre, a eu le courage et le devouement d'aller
a Berlin meme, recueillir des renseignements sur l'organisation militaire
en Prusse. Il a rapporte avec lui la liste de composition de tous les
regiments allemands, le nombre des tues et blesses, etc. La discretion
m'impose de ne pas trop m'etendre en details a cet egard. Je me rappelle
deux chiffres que je puis signaler au lecteur. Le nombre des soldats de
Bismark s'est eleve en France a un million cent quarante-sept mille. Autre
fait qui m'est reste grave dans la tete, a la suite de la conversation si
interessante que j'ai eue avec cet intelligent et hardi patriote. "Une des
causes de la force de l'Allemagne est l'instruction de ses habitants, il
n'y a dans tous les pays d'outre-Rhin que cinq hommes sur cent qui ne
sachent ni lire ni ecrire. En France on en compte 70 pour cent!" N'est-ce
pas le cas de dire que les chiffres ont parfois une eloquence brutale,
mais significative!
_Lundi 13 fevrier_.--La place du Theatre, a Bordeaux, est couverte d'une
foule enorme. Des cuirassiers, des gardes nationaux entourent le theatre
qu'ils protegent d'un mur vivant. L'Assemblee nationale est en seance!
C'est ce jour-la que la droite etouffe de ses cris la voix de Garibaldi,
de l'illustre general qui a prete a la France le secours de son epee; la
population est exasperee a la sortie des deputes. On le serait a moins.
_Jeudi 16 fevrier_.--La direction des telegraphes m'a enfin donne un
laissez-passer pour rentrer a Paris. Je vais partir.
Bordeaux est toujours tres-anime. Une haie compacte de gardes nationaux et
de soldats defend les abords du theatre. Dans plusieurs rues avoisinantes,
on voit des nombreux escadrons de lanciers et de cuirassiers.--La
population est cependant bien calme et bien inoffensive. Elle ne semble
en aucune facon manifester le desir de faire l'assaut de l'Assemblee
nationale.
Je pars pour Paris a 6 heures!
_Vendredi 17 fevrier_.--Je viens de passer une nuit fatigante en chemin
de fer. J'ecris tant bien que mal, pour tuer le temps, sur mon carnet de
voyage.
A 8 heures on s'arrete a La Souterraine. On accroche a notre train
QUARANTE-CINQ fourgons de marchandises. Je les ai comptes un a u
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