Ils sont
partis, pleins de resolution, pleins d'enthousiasme. Ils revaient le
succes, la gloire du combat, le salut de leur pays. On les enferme dans
un marais ou ils sont emprisonnes plusieurs semaines. Jamais ils ne
manoeuvrent, jamais ils n'apprennent le maniement des armes. Leurs
souliers sont perces a jour, ils n'ont pas une couverture pour se
preserver du froid. La nourriture est rare. En ont-ils meme tous les
jours? Ils souffrent, ils s'ennuient, mais ils sont resignes et patients,
quoiqu'ils se demandent, si c'est bien la ce qu'ils doivent faire pour
sauver le pays. Les jours se passent au milieu de ces tortures physiques
et morales, le decouragement, la lassitude arrivent. A force d'attendre,
ils desesperent. Ils errent dans ce camp si triste sans avoir conscience
de la vie; ils ne savent plus ce qu'ils font ni ce qu'ils vont faire, ils
perdent confiance en leurs chefs, ils en arrivent a regarder d'un air
melancolique ces malades qu'emportent les civieres! Ils sont heureux,
ceux-la, ils vont mourir!
Un beau jour, le tambour resonne, les bataillons se rassemblent, on va
partir. Partir ou, grand Dieu! Aller a l'ennemi, resister a des troupes
solides, aguerries, bien nourries, recevoir la mitraille et la pluie
d'obus!--Mais ces fusils que nous portons sur nos epaules, nous ne savons
pas les charger, nous n'avons jamais fait bruler une seule cartouche
dans leurs canons! Nous sommes fatigues, malades, nous ne savons rien
faire!--Qu'importe, il faut partir, il faut vaincre ou mourir.
Ils reviennent vaincus. Ils ont fui sous le feu de l'ennemi. Qui donc
oserait leur jeter la pierre?
Nous sommes d'abord recus par le chef d'etat-major qui nous fait conduire
dans une humble baraque en bois, ou nous arrivons en nous tenant en
equilibre sur des planches qui forment un chemin a travers les lagunes du
camp. Une construction primitive en planches, forme le quartier general de
l'armee de Bretagne. Il y a dans la piece d'entree un assez grand nombre
d'officiers qui attendent leur tour; on prend place a cote d'eux.
Bientot, l'aide de camp me prie d'ecrire sur une feuille de papier le but
de notre visite au general. Je redige quelques lignes que je soumets a
l'approbation de mon frere, de mes collegues et que je fais passer a M.
de Marivaux. Quelques secondes apres, le general me fait entrer dans
son bureau. Je suis recu avec la plus grande affabilite. Le general me
felicite sur mes ascensions anterieures dont il a connais
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