ndant nous sommes entasses pele-mele dans notre fourgon, plonges dans
une obscurite complete, l'estomac vide et litteralement geles, car la bise
glaciale siffle a travers les portes mal jointes. Mais comment oser se
plaindre en entendant sur nos tetes le bruit que font en frappant du pied
les malheureux blesses juches sur le toit du fourgon? Quelques-uns sont
ralants, la douleur les a vaincus, la mort va les saisir! En effet, a
minuit, le train s'arrete a Vierzon. On retire des cadavres des voitures.
Quelques blesses, pendant le voyage, sont morts de froid! Detournons les
yeux de scenes aussi epouvantables et entrons a Vierzon, ou nous devons
rester jusqu'a quatre heures du matin.
Il fait nuit noire. Pas un passant dans les rues. Un hotel est en face la
gare, une lumiere y brille. Le marin Jossec frappe a la porte, on ouvre.
Nous entrons dans une grande salle qui est le restaurant de l'endroit.
--Que voulez-vous? nous dit le patron d'un ton grognon, je n'ai pas de
place ici pour vous loger.
--Nous venons d'Orleans, epuises de fatigue, de faim. Voila plus de
vingt-quatre heures que nous n'avons pas mange. Donnez-nous a souper et
allumez un bon feu. Nous partons dans trois heures.
--Impossible, riposte le patron, il est passe minuit et je ferme. Je ne
peux vous recevoir, retirez-vous.
J'insiste poliment en faisant comprendre a mon interlocuteur que nous
venons de l'armee, que son patriotisme devrait le mettre dans l'obligation
de nous mieux accueillir. Il ne veut pas entendre raison.
--Retirez-vous, dit-il insolemment, et il ferme la porte au nez de nos
marins qui viennent nous rejoindre. Nous commencons a nous facher tout
rouge.
--Ouvrez de suite, disons-nous, ou la porte vole en eclats.
Et voila nos marins qui frappent au dehors avec violence. Le patron se
decide a ouvrir, il est furieux.
--Je vais aller chercher le poste, dit-il. D'ailleurs, qui etes-vous? Je
ne vous connais pas.
--Votre insolence nous dispenserait de vous donner d'explication, mais
voici nos papiers bien en regle qui vous montreront d'ou nous venons.
Maintenant, rappelez-vous que nous sommes ici quatorze hommes bien
decides, forts de notre droit et de notre argent, a prendre l'asile et le
diner que vous refusez.
Cette menace ne produit pas mauvais effet. La patronne est descendue, elle
appelle son mari dans la cuisine; la bonne arrive. Il se tient la un petit
conseil de guerre qui se termine en notre faveur.
Le maitre d'hot
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