istant a la funebre procession des
trains charges de blesses, qui passent de quart d'heure en quart d'heure.
A l'ambulance de la gare, il y a une soeur de charite et un moine, ils ont
a soigner des centaines de blesses a la fois. Heureusement que nos
marins sont la, ils se mettent sous les ordres de la soeur de charite,
distribuent les bouillons aux malades, et se transforment en infirmiers.
Les aerostiers a Blois n'auront pas passe tout a fait inutiles.
Le lendemain a 10 heures, il ne reste absolument rien en gare, les
Prussiens vont arriver, dit-on. Il serait trop maladroit de se laisser
prendre avec son materiel. Une locomotive est accrochee a nos fourgons,
elle nous ramene a Tours.
A notre arrivee a Tours, nous apprenons que decidement la delegation
du gouvernement de la Defense nationale va se _replier_ a Bordeaux.
Le chef-lieu de l'Indre-et-Loire ressemble a une fourmiliere remuee
fortuitement par un baton. C'est un mouvement febrile, une agitation
sombre et lugubre.
M. Steenackers nous donne l'ordre de gagner le Mans, pour nous mettre a la
disposition du general Marivaux, commandant l'armee de Bretagne.
_11 decembre_.--Nous partons dans nos fourgons a 8 heures du soir. La gare
de Tours est envahie par une foule enorme qui abandonne ses foyers. Des
milliers de wagons, charges de vivres, de munitions, s'evacuent lentement
au milieu d'un gachis indescriptible. Nous sommes obliges de nous tenir
prets a partir trois ou quatre heures a l'avance. Si nous avons le malheur
d'abandonner nos ballons, ils seront enleves par une locomotive, emportes
je ne sais ou. Il faut rester aupres de notre materiel, et demander de
quart d'heure en quart d'heure, si le moment d'etre attaches a un train
est arrive. Personne ne sait plus ou donner de la tete. Des officiers,
charges de faire partir des fourgons de munitions, se querellent avec les
employes du chemin de fer, ce sont des discussions, des cris a n'en plus
finir, il s'eleve sur ce flot de tetes qui encombre la gare, un brouhaha
perpetuel, qui souffle comme un vent d'inquietude et de desespoir. C'est
la panique, c'est la debacle!
Nous sommes entasses dans notre fourgon comme des harengs dans une
barrique. Les ballons plies tiennent presque toute la place. Par dessus
ces ballots, on se perche tant bien que mal, Bertaux, Poirrier, Revilliod,
mon frere et moi, avec nos quatre chefs d'equipes et nos huit marins. Nous
sommes plonges dans l'obscurite la plus complete, il fait
|