turcos, dont le campement si bizarre, si pittoresque, doit ressembler aux
smalas du desert. Ces braves moricauds nous offrent un cafe excellent, et
boivent a la sante de la France. Pauvres Arabes, quels vides effroyables
sont ouverts dans vos rangs par le mecanisme de l'artillerie prussienne!
L'homme est faible devant la machine impitoyable! Que peut le courage
contre un projectile aveugle, contre une puissance aussi brutale
qu'invincible?
_Samedi 3 decembre_.--Nous commencons au lever du jour le gonflement de
notre nouveau ballon, la _Republique universelle_. Ce nom un peu long
n'est pas tres-heureux, mais nous ne voulons pas toucher au bapteme de
Paris. Nos marins Jossec et Guillaume, et les mobiles sont a leur poste,
ils commencent a se familiariser aux manoeuvres aerostatiques, que
facilitent aujourd'hui un temps calme, un ciel serein.
A 3 heures de l'apres-midi, nous nous mettons en route, et bientot perches
dans notre nacelle, nous passons au-dessus des campagnes, remorques par
les mobiles, a travers les echalas de vigne. L'air est a peine agite, et
la _Republique universelle_ mollement bercee, a l'extremite de ses cordes,
ne nous secoue pas trop violemment dans notre panier d'osier. Nous
dirigeons notre marche a cote du chateau du Colombier, vers un petit
village, ou nous ferons notre premiere etape. Demain nous esperons
arriver, a la fin du jour, au camp de Chilleur, ou l'on nous attend.
Duruof avec son ballon restera encore en reserve; il ne se plaint pas de
son inaction et nous nous demandons s'il ne se felicite pas de se tenir a
l'abri des projectiles prussiens.
III
La deroute de l'armee de la Loire.--Les ballons captifs au chateau du
Colombier.--Aspect d'Orleans.--Le dernier train.--Les blesses.--Vierzon.
Dimanche 4 decembre 1870.
Apres bien des difficultes, analogues a celles que nous avons decrites, le
ballon la _Republique_ arrive enfin au terme de sa premiere etape, pres
d'un petit hameau situe a 4 kilometre a peine du chateau du Colombier. Il
n'y a la que quelques chaumieres tristes et monotones. Il est cinq heures,
le vent assez vif agite l'aerostat qui plie sur son cercle, comme un arbre
pendant l'orage. Les marins creusent dans le sol un trou profond pour y
enfouir la nacelle, ils manient la pioche au milieu d'une plaine abritee
par des peupliers, prives de feuilles et roides comme les matures d'un
navire. On entend au loin le bruit de la canonnade qui fait retentir
l'air comme le
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