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A 9 heures, nous sommes revenus eu vue de terre; c'est encore un bras de
la Seine qui se deroule sous nos yeux, comme un serpent d'argent. A 400
metres de haut, nous planons au-dessus du fleuve ou l'ombre du ballon
se decoupe en une grande tache noire. Sur l'autre rive, nous apercevons
encore un immense bouquet d'arbres, serres et touffus, ou pas une
clairiere ne se presente pour faciliter notre descente. C'est la foret de
Roumare.
La nuit est venue, il faut absolument songer a la descente; mais ou
trouverons-nous une plaine hospitaliere pour jeter notre ancre? Voila la
Seine qui plus loin, revient sur ses pas, et, au dela, a perte de vue, une
foret plus vaste encore que les precedentes, semble nous defier de ses
cimes touffues et compactes. C'est la foret de Mauny.--Quelle luxuriante
campagne nous traversons du haut des airs, ou l'eau et la vegetation se
disputent la nature! quel pays riche et verdoyant! Mais quelle deplorable
contree pour le navigateur aerien, qui ne rencontre sous sa nacelle que
recifs, ecueils qui le menacent du naufrage!
Semant du lest sur notre route, nous maintenons le _Jean-Bart_ a 300
metres de haut. Nous epions une plaine, mais il n'y a sous nos pieds qu'un
amoncellement d'arbres repandus a profusion sur toute la campagne. Le vent
est calme, nous sillonnons l'espace avec une extreme lenteur.
A 9 heures 30, nous sommes en vue d'un nouveau bras de Seine que le ballon
va traverser encore. L'esperance nous fait croire que sur l'autre versant,
une terre propice a la descente viendra preter son aide aux aeronautes.
Nous tombons de Charybde en Scylla.
Le _Jean-Bart_ s'avance en droite ligne vers le milieu de la foret de
Bretonne, qui s'etend jusqu'a la mer, ou le vent nous dirige, et par
surcroit de malheur, les rives de la Seine sont herissees de hautes
falaises qui nous menacent. Traverser successivement quatre bras de Seine,
et trois forets, sans apercevoir un espace vide, c'est comme une fatalite
qui nous poursuit. Il n'y a peut-etre pas d'autres points du globe ou
pareil voyage pourrait se faire. Nous sommes a 100 metres de haut, le
ballon peut etre brise contre les rochers, s'il ne gravit pas les hautes
plages aeriennes. Mais s'il remonte, le vent le lancera sur la foret de
Bretonne, et le poussera jusqu'a la mer ou nous courrons grande chance
de nous perdre. Tout en faisant ces observations peu rassurantes, le
_Jean-Bart_ arrive au-dessus de la Seine, en vue de Jumiege. En cet
end
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