ulent me prendre
pour leurs attelages. Cette fois je n'y tiens plus, c'est la troisieme
fois qu'on me vole. Je m'arme de resolution et je demande une audience au
general Von der Tann. Je suis recu par un colonel, son chef d'etat-major,
je crois.
--Que me voulez-vous? me dit cet officier d'un ton bourru.
--Je viens reclamer, protester contre les vols dont je suis l'objet. Toute
ma provision de cordes, toute ma fortune est devalisee pas vos soldats.
--Oh la! mon bonhomme, ne le prenez pas trop haut avec moi. Mais,
dites-moi, n'avez-vous pas de lettres de requisition qui vous sont
donnees? Apres notre depart, c'est la ville qui vous reglera notre compte.
--Tout cela est tres-bien, mais pourra-t-on me payer?
--Oh! cela ne me regarde pas, je suis en regle avec vous, allez-vous-en.
Au moment ou je partais, l'officier prussien se ravise et m'appelle.
--J'ai une idee, me dit-il; si le maire d'Orleans ne veut pas vous
payer, vous m'apporterez deux metres de corde avec laquelle je le ferai
pendre.--Je me sauve, entendant les eclats de rire du colonel qui a sans
doute trouve sa plaisanterie tres-fine et tres-spirituelle."
Le brave cordier continue son recit, et sa femme qui l'ecoute les larmes
aux yeux, ne tarde pas a prendre part a la conversation.
--Heureusement nous en sommes debarrasses, de ces Prussiens, dit-elle,
ils ne reviendront plus maintenant, ces maudits Allemands, car nous avons
autour de nous les soldats de Coulmiers. Oh! comme ils s'en allaient
piteux et tristes, les bataillons bavarois; ils ne s'attendaient pas a
etre chasses de notre ville par l'armee de la Loire dont ils se riaient
tout haut. En quittant Orleans, Von der Tann dit au prefet d'un air
gouailleur:
--Au revoir, monsieur le prefet, sans adieu, car je reviendrai bientot.
--Mais il ne reviendra pas, ajouta la brave femme.
Et toute l'armee, tout Orleans, toute la France disait alors: il ne
reviendra pas.
Helas! il n'est que trop bien revenu pour frapper Orleans de nouveaux
malheurs et de nouvelles ruines.
Il faut avoir vu l'occupation prussienne pour se douter des desespoirs,
des haines qu'elle souleve sur son passage. Les maisons du faubourg
Banier etaient pillees, et chacun, accable de soldats a nourrir et de
requisitions a payer, voyait la ruine venir de jour en jour.
C'etait en outre de perpetuelles taquineries. Les Prussiens etaient
furieux de l'accueil qui leur etait fait. Ils auraient voulu, ces
Teutons barbares, qu'
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