parfaitement, car ils ont fait tomber le lut grossier qui bouche les
joints, souvent tres-distants, quand le bois a travaille. Que n'a-t-on pas
faconne d'autres soupapes, il aurait ete si simple de perfectionner dans
ses details le navire aerien. Mais il aurait fallu compter sans l'habitude
et la routine.--O routine, sainte routine, que de proselytes se
prosternent devant toi dans le pays de France! Je sais bien que la
hate d'une construction faite a Paris dans des circonstances tout
exceptionnelles, plaide les circonstances attenuantes. Mais notre
ballon n'en a pas moins bel et bien perdu en quelques heures le gaz qui
l'emplissait. Il etait reste gonfle deux jours et deux nuits, quand on
n'avait pas encore ouvert sa soupape.
Au lever du jour le _Jean-Bart_, separe de son filet, est plie dans la
nacelle. Apres renseignements, le plus sur chemin pour retourner a Rouen
avec un ballot de 500 kilog. est la Seine. Nous prendrons un des bateaux a
vapeur du touage qui passe a 11 heures.
Les gardes nationaux, qui ont fait leur devoir, peuvent rentrer dans leurs
foyers, je les remercie de leur aide obligeante. Mais voila que l'un d'eux
se detache du groupe et me demande un pourboire.--Un pourboire, grand
Dieu! on n'a donc pas lu nos lettres de requisitions, la force armee
doit nous preter son aide. Paye-t-on le soldat sur le champ de bataille?
Paye-t-on le factionnaire qui monte sa garde?
Bientot le maire s'avance, je m'adresse a lui.
--Mon Dieu, me dit-il, ces braves gens ne sont pas habitues au service
militaire, ils ont _travaille_ toute la nuit, ils sont dix: Cela vaut bien
trente francs.
--Toi, mon ami, pensai-je, tu veux faire de la popularite. Ma foi, soyons
genereux. Je transige pour vingt francs que je donne aux gardes nationaux.
Je pensais bien que l'histoire en finirait la, malgre son etrangete. Mais
je comptais sans le vieux conseiller municipal qui avait assiste a cette
scene. Il se chargea d'en faire jaser dans son Landerneau....
Huit jours apres cette aventure, je recevais a Rouen un envoye du conseil
municipal d'Heurtrauville.
--Monsieur, me dit-il, le conseil municipal, apres avoir entendu la
reclamation d'un de ses membres, a blame tres-energiquement la conduite
du maire, qui vous a demande un salaire pour quelques-uns de nos
compatriotes.--Le conseil municipal n'a pas voulu qu'on puisse dire que
des Francais aient ete payes pour un service qu'ils doivent gratuitement
a l'Etat, il a decide qu'on
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