nt ne veut
pas venir nous trouver. Allons le chercher.
Revilliod et Mangin restent au Mans avec un ballon; et nous voila partis,
avec l'aerostat le _Jean-Bart_, qu'il faut trainer peniblement, de gare
en gare, car le chemin de fer fonctionne difficilement. Le train s'arrete
toutes les dix minutes, et passant par des voies detournees, il met
vingt-quatre heures pour gagner le chef-lieu de la Seine-Inferieure.
IV
Premiere tentative de retour a Paris par ballon.--Preparatifs du
voyage.--Le bon vent.--L'ascension.--Le bon chemin.--Le brouillard.-Le
dejeuner en ballon.--Le vent a tourne.--En ballon captif.
Du 1er au 8 novembre 1870.
Nous arrivons a Rouen, mon frere et moi, le 2 novembre, avec le ballon "le
_Jean-Bart_." Le prefet a ete prevenu de nos projets; il a eu l'obligeance
de faire mettre a notre disposition un grand local ou l'aerostat
pourra etre ventile et vernis a neuf. C'est la grande salle de bal du
Chateau-Baubet, le Casino de l'endroit, qui se transforme ainsi en atelier
aerostatique. L'inspecteur du telegraphe envoie ses facteurs qui nous
aident avec beaucoup de zele dans l'operation de vernissage, vilaine
besogne qui consiste a enduire l'aerostat d'huile de lin cuite sur toute
sa surface. Le ballon ventile est gonfle a l'air, on penetre dans son
interieur, afin d'examiner, par transparence, l'etoffe dans toute son
etendue.
Chaque fois qu'un petit trou se montre, il est bouche avec une piece: la
plus petite piqure est cachee sous une feuille de baudruche. C'est mon
frere qui s'occupe surtout de cette besogne avec un soin scrupuleux;
il fallait la guerre pour transformer ainsi un architecte de talent en
reparateur de ballons.
Mais nous sommes seuls; c'est nous qui conduirons notre aerostat: s'il
fuit, s'il est en mauvais etat, qui donc, si ce n'est nous, en subira la
consequence? Le voyage sera peut-etre long, perilleux; ayons au moins
un bon aerostat, bien repare, bien impermeable. S'il arrive un malheur,
n'ayons aucun reproche a nous faire!
Pendant quelques jours, le vent n'est pas favorable; il souffle plein nord
et nord-est. La patience est devenue de notre part, une ferme resolution.
L'accueil que nous recevons a Rouen est si affable, si gracieux, que le
temps se passe assez vite, malgre les nouvelles de la guerre, toujours
desastreuses, qui accablent le pays. Nous avons appris au Mans l'infame
trahison de Bazaine, qui a souleve dans toute la foule un cri d'horreur
et de degout[4]. V
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