hercher a revoir le sol; mais
le brouillard est compacte dans toute l'epaisseur de l'atmosphere.
--Il faut, dis-je a mon frere, attendre patiemment. Dans une heure, nous
nous rapprocherons de terre pour reconnaitre le pays.
Le lest est seme sur notre route pour maintenir le ballon a une altitude
de 1,800 metres. Ce n'est plus dans l'air que nous nous trouvons, c'est au
milieu d'une veritable etuve de vapeur. Il n'y a plus rien a voir, rien a
faire qu'a attendre ... et a esperer. Car notre marche initiale a ete si
favorable, que nous ne doutons pas encore du succes. Nous causons de
nos projets, nous nous repetons ce que nous ferons a Paris, ce que nous
dirons; nous allons meme jusqu'a penser a un nouveau depart aerien de la
gare du Nord ou de la gare d'Orleans. Et cependant nous connaissons la
_peau de l'ours_ de la fable! Mais on oublie trop souvent dans la vie le
bonhomme La Fontaine.
Le ballon est equilibre a 2,300 metres d'altitude. Nous reparons le
desordre de notre nacelle, le guide-rope est largue, les sacs de depeches
et les sacs de lest sont soigneusement ranges, l'appetit ne nous fait pas
defaut malgre nos emotions: le dejeuner nous attend. Un morceau de poulet
et un bon verre d'un vin de Sauterne qui nous a ete donne par un ami,
voila notre repas. Le couvert est simple, il se compose d'un journal
etale sur nos genoux, ou le repas est servi. Nous mangeons, ma foi,
tres-gaiement, oubliant notre navigation dans les hautes regions de
l'atmosphere!
Quelle sensation bizarre et charmante tout a la fois, que celle de
planer dans les airs, au milieu d'un brouillard epais! La nacelle parait
immobile, et quand on ne remue pas soi-meme, pas la moindre trepidation ne
vous derange. C'est le sentiment du calme absolu, inconnu sur la terre,
meme dans le desert, ou le vent frole le sable et produit un bruissement
monotone.
Ici le silence complet regne dans ces regions aeriennes, pas un etre
vivant ne trouble la serenite de ces plaines vaporeuses que l'on sillonne,
mollement berce par l'air.
Que ne pouvons-nous fixer la notre demeure, oubliant les miseres
terrestres, la guerre et ses calamites, nous moquant des tyrans qui sement
sous leurs pas l'incendie, le meurtre et le pillage!
Je regarde ma montre, et je m'apercois que le temps s'est ecoule vite;
il est bientot deux heures. Il y a une heure que nous voguons dans le
brouillard, dans une veritable etuve!
Se trouver pendant cinquante ou soixante minutes dans u
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