l'air est si calme qu'ils rattrapent la nacelle en
courant. Les voila qui touchent notre cable trainant.
--Tirez la corde! Leur crions-nous.
Une centaine de bras vigoureux font descendre le _Jean-Bart_ lentement,
sans secousse, sans que nous ayons eu la peine de jeter notre ancre.
Jamais meilleure descente n'est venue seconder nos efforts; mais combien
n'aurions-nous pas prefere un trainage, au milieu de la tempete, pourvu
qu'il ait eu lieu sous les murs de Paris.
Des centaines de spectateurs nous entourent, une nuee de mobiles arrive,
car la nacelle a touche terre au milieu des avant-postes francais. A
quelques milliers de metres plus loin nous tombions chez les Prussiens!
Nous demandons ou nous sommes.
--A Pose, nous dit-on.
--Y a-t-il pres d'ici une usine a gaz ou notre aerostat qui a perdu du gaz
dans le trajet, puisse s'arrondir?
Un chef d'usine des environs, M.L...., met gracieusement a notre
disposition sa maison pour nous recevoir, son gazometre pour nous fournir
une centaine de metres cubes de gaz.--Mais pour aller jusque chez lui, il
faut traverser une ligne de chemin de fer, un fil telegraphique et passer
la Seine! C'est bien difficile de faire arriver jusque-la un ballon
captif. Toutefois nous voulons essayer quand meme.
Je harangue la foule et lui demande son aide. Mille hourrahs repondent a
ma proposition. Je descends de la nacelle une corde de 50 metres,
pendant que mon frere en attache une autre au cercle. Nous attelons une
cinquantaine d'hommes a chaque cable et le ballon captif s'eleve a trente
metres de haut. Apres nous etre renseignes sur l'itineraire a suivre, on
nous traine dans la nacelle jusqu'au petit village de Pose, ou le maire
recoit les voyageurs tombes des nues.--Nous voici arrives sur les rives
de la Seine, ou de vieux bateliers se concertent pour le passage de
l'aerostat sur l'autre rive. Le temps est calme, et malgre la largeur du
fleuve, le ballon est attache par deux cordes a un bachot solide, ou huit
rameurs prennent place. Ils se lancent au large; c'est merveille de nous
voir dans notre panier d'osier a 30 metres au-dessus du courant rapide,
remorques par les solides biceps de nos mariniers, qui font parvenir le
_Jean-Bart_ sur l'autre rive, apres un travail penible et plein de danger
pour eux. Car la moindre brise eut souleve le ballon et fuit chavirer
l'embarcation! Mais ces braves gens sont si heureux de venir en aide a des
aeronautes, qu'ils ne veulent pas connaitre
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