rentre; je prefere la garder dans ma remise.
Le cocher qui entendait ces paroles ajoute avec vivacite:
--D'ailleurs ce n'est pas moi qui me chargerai de vous conduire, les
Prussiens entourent la ville, nous serons pris!
Malgre nos instances, le loueur de remises est inflexible comme le destin,
il nous abandonne a notre malheureux sort.
Nous finissons par rencontrer un voiturier intelligent et courageux qui se
charge de nous tirer d'affaire.
--J'ai un de mes amis, nous dit-il, qui arrive de Dreux, ou les Prussiens
ne sont plus. Je vous affirme que l'on peut passer sur la route de Dreux,
a moins que les uhlans n'y aient paru depuis deux heures; mais le gros
de l'armee ennemie est de l'autre cote de Chartres. Nous partirons a dix
heures du soir, sans lumiere, sans bruit, nous trouverons bien quelque bon
chemin. Je connais le pays.
A 10 heures, Chartres etait desert; si vous aviez passe pres de l'usine
a gaz a ce moment, vous auriez vu sur la route un petit omnibus a
quatre places, attele d'un bon cheval. Vous auriez apercu plus loin une
charrette, sur laquelle une dizaine d'hommes chargeaient un gros ballot
lourd et massif. C'etait notre ballon. Une nuit obscure vint nous donner
son aide. Nous filons au trot dans l'omnibus, un voiturier nous suit dans
la charrette chargee de l'aerostat. Nous avons donne nos instructions au
cocher.
--Si vous voyez des Prussiens, filez au grand galop; s'ils sont en petit
nombre et s'ils veulent vous arreter, nos revolvers feront leur service.
Nous sommes quatre avec l'aide-aeronaute, nous avons vingt-quatre balles a
notre disposition.
Nous quittons Chartres; nous sommes bientot arretes par un poste de gardes
nationaux; on nous demande nos papiers; on nous laisse passer. Nous
continuons notre route au milieu de l'obscurite, et, pendant une heure, le
silence de la nuit n'est trouble que par le roulement de nos voitures. La
fatigue nous fait fermer les yeux; nous commencons a nous endormir, quand
notre vehicule est arrete brusquement.
--Voila les Prussiens, s'ecrie d'une voix etranglee notre aide-aeronaute.
Je me reveille en sursaut et j'apercois une dizaine d'hommes couverts de
grands manteaux blancs. Ils ont saisi notre cheval par la bride!...
Ces Prussiens etaient simplement de braves mobiles normands, qui
nous prenaient eux-memes pour des ennemis, et se figuraient que nous
emportions, dans notre charrette les richesses de la ville de Chartres.
Nous rions bien de not
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