a patronne.
Je n'ai cite cette histoire que pour montrer comment certains Francais
comprenaient la guerre; le fait malheureusement n'est pas isole, et ce
n'est pas sans raison que l'on a dit que bien des paysans, bien des
habitants de province, preferaient ouvrir leurs bras a l'ennemi qu'a ceux
qui combattent pour la patrie. Nos soldats ont parfois trouve un mauvais
accueil, bien des officiers me l'ont affirme; il aurait fallu, dans ces
cas-la, ne pas craindre de parler le revolver a la main; on n'aurait pas
du avoir de pitie pour les faux Francais qui, par un sentiment d'egoisme
ignoble, se refusaient d'apporter leur concours a l'oeuvre de la defense
nationale.
Revilliod, Mangin et moi, nous passons la nuit au poste.
Le lendemain, nous faisons une visite au sous-prefet de Dreux. Il apprend
avec desespoir que Chartres n'a pas resiste.
--Que voulez-vous que je fasse; je n'ai que 8,000 mobiles a Dreux?
Chartres avait 12,000 soldats!
--Mais n'y a-t-il pas ici de l'artillerie, des canons? On le dit en ville.
--Chut! s'ecrie le sous-prefet en me parlant bas a l'oreille. Nous avons
deux canons, mais il n'y a de munitions que pour les charger sept fois
chacun!
Deux jours apres, nous etions revenus a Tours. Je retrouve mon frere qui a
lui-meme retrouve son ballon. Chartres a ete occupe le lendemain de notre
depart.--C'est au Mans que vont maintenant commencer nos tentatives.
Revilliod et Mangin seront des notres; il y aura ainsi deux ballons prets
a partir ensemble quand le vent sera favorable.
_22 octobre_.--Nous sommes au Mans dans la nuit, le ballon est debarque a
la gare.
--Surveillez-le bien, dis-je au sous-chef de gare. Nous viendrons le
prendre demain matin de bien bonne heure.
A 6 heures du matin nous demandons le ballon.--Pas de ballon. Un employe
maladroit l'a expedie a Tours croyant qu'il venait directement de Paris.
Me voila force d'aller a Tours avec Revilliod. Je commence a avoir une
veritable indigestion des chemins de fer surcharges de trains qui font des
courses de lenteur. Il a fallu 40 heures pour aller a Lyon. Nous mettrons
cette fois 6 heures pour nous rendre a Tours. Chaque gare est encombree de
troupes, de francs-tireurs; c'est un remue-menage inoui; a chaque station,
on ajoute des wagons, et on attend une heure. Revilliod reprend son ballon
le _George Sand_ qu'il reporte au Mans.
_23 octobre_.--Nous rejoignons notre collegue aujourd'hui avec le
_Jean-Bart_. Nous voila dans le depa
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