re double meprise, et nous continuons gaiement notre
chemin. A une heure du matin, nous arrivons a Dreux, nous traversons la
ligne des avant-postes francais sans que le moindre "qui vive" retentisse.
--Voila, disons-nous, une ville bien gardee.
Nous arrivons, en effet, sur la place sans rencontrer un factionnaire. Un
corps de garde s'offre a notre vue. Nous y entrons. Je montre au chef de
poste nos papiers, les lettres de requisition s'adressant a l'autorite
militaire, je le prie de nous aider a trouver un asile. Les chevaux n'ont
pas mange, il leur faut une place dans une ecurie.
--Dreux est bien encombre, nous dit-on, et je ne sais si vous aurez de
bons lits, mais on vous donnera toujours bien un abri. Je vais vous mener
a l'_Hotel du Paradis_.
Nous frappons a la porte. Une vieille megere arrive de tres-mauvaise
humeur.--Madame, dit tres poliment l'officier qui nous sert de guide, ces
messieurs ont des lettres de recommandation du gouvernement, ils sont
charges d'une mission importante, ils sont fatigues et desirent une
chambre, une place a l'ecurie pour leurs chevaux.
La patronne replique tres-insolemment:--On ne vient pas chez les gens a
deux heures du matin. Je n'ai pas de place. Et puis je ne connais pas ces
hommes-la, dit-elle en nous montrant, je ne peux pas loger les premiers
venus.
L'amabilite de la patronne du _Paradis_ nous fait monter la moutarde au
nez. Nous ne repliquons rien; l'officier, comme nous, est furieux; nous
partons et nous revenons avec quatre hommes et un caporal. Nous frappons
une seconde fois a la porte de l'hotel, et toujours tres-poliment, nous
disons a la patronne:
--Ouvrez vos portes, nous allons fouiller votre maison. Nous allons voir
si la place manque.
La dame de l'_Hotel du Paradis_ est devenue muette sous l'effet d'une
exasperation rentree. Mais bientot sa langue a retrouve le mouvement.
--Monsieur, dit-elle a l'officier, c'est indigne; je prefererais recevoir
les Prussiens que tous les mobiles comme vous qui nous maltraitent. Vous
etes etranger a Dreux; si vous etiez de la garde nationale, les choses se
passeraient differemment.
--Vous traitez bien, madame, m'ecriai-je, un officier francais qui
vient ici defendre votre ville, votre maison; je vous felicite de votre
patriotisme.
Cependant, nous nous assurons que l'hotel est plein; mais il y a bel et
bien des places a l'ecurie, et nos chevaux y prennent le repos jusqu'au
lendemain, malgre les reclamations de l
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