is une foret vers laquelle je
m'avance assez rapidement. Je ne suis pas sans une certaine inquietude,
car le _Celeste_ commence a descendre; je jette du lest poignee par
poignee, et ma provision n'est pas tres-abondante. Cependant je ne dois
pas etre bien eloigne de Paris. L'accueil que m'a fait l'ennemi en passant
au-dessus d'un de ses camps ne me donne nulle envie de descendre chez lui.
J'ai toujours remarque, non sans surprise, que l'aeronaute, meme a une
assez grande hauteur, subit d'une facon tres-appreciable l'influence du
terrain au-dessus duquel il navigue. S'il plane au-dessus des deserts de
craie de la Champagne, il sent un effet de chaleur intense, les rayons
solaires sont reflechis jusqu'a lui; il est comme un promeneur qui
passerait au soleil devant un mur blanc. S'il trace, en l'air, son sillage
au-dessus d'une foret, le voyageur aerien est brusquement saisi d'une
impression de fraicheur etonnante, comme s'il entrait, en ete, dans une
cave.--C'est ce que j'eprouve a 10 heures 45 en passant a 1420 metres
au-dessus des arbres, que je ne tarde pas a reconnaitre pour etre ceux de
la foret d'Houdan.--Ma boussole et ma carte ne me permettent aucun doute a
cet egard. Mais ce froid que je ressens, apres une insolation brulante,
le gaz en subit comme moi l'influence; il se refroidit, se contracte,
l'aerostat pique une tete vers la foret; on dirait que les arbres
l'appellent a lui. Comme l'oiseau, le Celeste voudrait-il aller se poser
sur les branches?
Je me jette sur un sac de lest, que je vide par dessus bord, mais mon
barometre m'indique que je descends toujours; le froid me penetre
jusqu'aux os. Voila le ballon qui atteint rapidement les altitudes de
1000 metres, de 800 metres, de 600 metres. Il descend encore. Je vide
successivement trois sacs de lest, pour maintenir mon aerostat a 500
metres seulement au-dessus de la foret, car il se refuse a monter plus
haut!
A ce moment, je plane au-dessus d'un carrefour. Un groupe d'hommes s'y
trouve rassemble; grand Dieu! ce sont des Prussiens. En voici d'autres
plus loin; voici des uhlans, des cavaliers qui accourent par les chemins.
Je n'ai plus qu'un sac de lest. Je lance dans l'espace mon dernier
paquet de proclamations. Mais le ballon a perdu beaucoup de gaz, par
la dilatation solaire, par ses fuites, il est refroidi, sa force
ascensionnelle est terriblement diminuee. Je ne suis qu'a une hauteur de
420 metres, une balle pourrait bien m'atteindre.
Je regarde at
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