envoye mes
messagers ailes. On leur a donne du ble et de l'eau, ils agitent leurs
ailes dans leur cage. J'en saisis un qui se laisse prendre sans remuer. Je
lui attache a une plume de la queue ma petite missive ecrite sur papier
fin. Je le lache; il vient se poser a mes pieds, sur le sable d'une allee.
Je renouvelle la meme operation pour le second pigeon, qui va se placera
cote de son compagnon. Nous les observons attentivement. Quelques secondes
se passent. Tout a coup les deux pigeons battent de l'aile et bondissent
d'un trait a 100 metres de haut. La, ils planent et s'orientent de la
tete, ils se tournent vivement vers tous les points de l'horizon, leur bec
oscille comme l'aiguille d'une boussole, cherchant un pole mysterieux. Les
voila bientot qui ont reconnu leur route, ils filent comme des fleches...
en droite ligne dans la direction de Paris!
II
Le gouvernement de Tours.--Les inventeurs de ballons.--Projet de retour
a Paris par voie aerienne.--Confection d'un ballon de soie.--Voyage a
Lyon.--Les nouveaux debarques du ciel.--Ascension du _Jean-Bart_.
Du 1er au 15 octobre.
Faire le recit de mon voyage en chemin de fer de Dreux a Tours, par
Argentan, par le Mans; dire que dans toutes les gares j'etais recu comme
le Messie tombe du ciel, questionne toujours, partout, et que les curieux
m'ont empeche de fermer l'oeil un seul instant pendant mon voyage
nocturne, n'offrirait pas grand interet. Je prefere arriver tout de suite
a Tours ou je suis rendu le 1er octobre a sept heures du matin. Mais Tours
n'est plus Tours; ce n'est plus la ville paisible et calme que j'ai connue
jadis; ou les affaires s'elaboraient tranquillement et sans bruit.
Les touristes et les flaneurs ont cesse de s'y donner rendez-vous; les
commis-voyageurs ne s'y rencontrent plus dans les hotels. Tours est anime,
regorge de monde; c'est la seconde capitale de France; aussi m'est-il
completement impossible d'y trouver un traversin pour y reposer mes deux
oreilles.
Je fais un somme leger sur un divan de l'_hotel de la Boule-d'Or_, et
l'apres-midi se passe en visites officielles. J'ai une longue entrevue
avec l'amiral Fourichon, qui m'explique comment il n'a pas encore envoye
de troupes au secours de Paris; je lance sur le pont de Tours mon
beau pigeon a tete brune, porteur d'une depeche chiffree; je vois M.
Steenackers, M. Laurier, qui m'affirme qu'il a beaucoup de poigne, et que
la France sera sauvee par son ministere; je vois M. et Mm
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